Que faut-il comprendre de la menace faite par les policiers de la Sûreté municipale visant à décerner une contravention de 37 $, en plus des frais - quelle ironie! -, aux automobilistes qui rouleront à 51 km/h dans une zone où la limite est de 50 km/h?

Est-ce là une action visant à racheter un certain laxisme de la police qui, exception faite du stationnement et des autres sources de revenus faciles pour la Ville, n'a jamais poussé à fond son zèle dans le dessein de protéger la sécurité des citoyens en focalisant davantage sur les règlements les plus pertinents de la circulation automobile?

La police annoncerait-elle que ses radars sont désormais étalonnés selon un nouveau protocole garantissant une marge d'incertitude bien inférieure à 1 km/h autour de la limite de 50 km/h, condition essentielle à l'attribution d'une contravention dans une telle situation limite?

Ne faudrait-il pas plutôt comprendre que pareille menace serait purement métaphorique, laquelle ferait davantage allusion à l'absence totale de tolérance à l'avenir? Si tel était le cas, cela laisserait supposer que, auparavant, il y avait une certaine tolérance qui s'exerçait. Quelle était le fondement de cette tolérance: la paresse ou bien le constat réaliste confirmant que la marge d'incertitude sur les relevés de vitesse dépasse largement l'écart de 1 km/h centré sur la valeur affichée?

Sachant que les conditions de la mesure ajoutent une part nonnégligeable à la marge d'incertitude de l'appareil proprement dit - les angles d'incidence et de réflexion du faisceau électromagnétique, les réflexions multiples, etc. -, il en découle un dépassement possible de plus de 1 km/h. Autrement dit, l'étalonnage du radar, même parfait, n'assure pas l'exactitude absolue de la mesure faite dans la rue.

Et que dire des imprécisions sur la valeur affichée par l'indicateur de vitesse de la voiture visée? Puisque l'automobiliste n'a aucun contrôle immédiat sur la plupart des variables d'influence - sources d'erreurs multiples affligeant l'indicateur proprement dit (mobilité, justesse, fidélité, hystérésis, linéarité, parallaxe, etc.), usure et température des pneus, permutation des pneus d'hiver avec les pneus d'été et réciproquement, état de la chaussée, et j'en passe -, doit-on tenir rigueur à ce même automobiliste des éventuels écarts de quelques km/h au-delà de la limite prescrite?

De plus, dans la circulation dense et quelque peu nerveuse des heures de pointe, il n'est pas inhabituel que le conducteur le plus prudent ne soit pas toujours en mesure de contrôler au km/h près la vitesse de son véhicule. Dans certaines situations critiques, l'observation continuelle de l'indicateur de vitesse ou du tachymètre représente un plus grand danger que le dépassement minime de la limite, soit 51 au lieu de 50 km/h par exemple. Ne perdons pas de vue qu'un excès de 1 km/h, à 50 km/h, ne représente un écart relatif que de 2 % seulement. Or, il semble invraisemblable que la marge d'incertitude globale caractérisant le processus de mesure soit aussi faible que cela.

Non, définitivement, ce n'est pas par l'application stricte et bête d'une limite aussi rigide et arbitraire de la vitesse qu'on augmentera la sécurité routière. Somme toute, pareille menace de la police, en plus de témoigner de son incompréhension profonde de ce qu'est la sécurité, confirme éloquemment sa méconnaissance des principes mêmes de la mesure appliquée à la circulation automobile.

En définitive, par une menace aussi simpliste, la police vient annuler une bonne partie des efforts qu'elle a consacrés depuis longtemps afin de se débarrasser de la réputation qui était sienne à une époque maintenant révolue: de gros bras commandés par un cerveau reptilien - cette époque pourrait-elle ne pas être aussi révolue qu'on le souhaiterait!

Lionel Leblanc, Granby