Bleuets Godbout, un transformateur de la région de Québec, dénonce l'emprise de ses concurrents jeannois sur les producteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui a pour effet de limiter la libéralisation du marché du bleuet.

Selon Pierre Godbout, propriétaire de l'entreprise, Bleuets Mistassini et Bleuets sauvages du Québec ont empêché une plus grande intégration des acheteurs non-régionaux dans la nouvelle convention de mise en marché du bleuet. Ce document rédigé par le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec (SPBQ) a été signé par les principaux acheteurs le 5 juin dernier. Il remplaçait le premier du genre, signé en 1998, et qui venait à échéance.

En vertu de l'ancienne convention, Bleuets Mistassini et Bleuets sauvages du Québec (basés à Saint-Félicien) ont détenu pendant dix ans le monopole de l'achat de bleuets destinés à la transformation (environ 95% de la production) auprès des producteurs de la région. Ces bleuets fournissaient les deux seules usines de congélation de la région, à Dolbeau-Mistassini et à Saint-Bruno.

La nouvelle convention ouvre environ 15% du marché à la concurrence venue de l'extérieur de la région. Bleuets Godbout s'attend à pouvoir accaparer environ 3% des 15%, disputés désormais entre cinq joueurs, dont les deux grands régionaux.

Bleuets Godbout est actuellement en train de construire une nouvelle usine de déshydratation de bleuets à Notre-Dame-de-Lourdes (Centre-du-Québec), au coût de près de 12 M$. L'entreprise voudrait obtenir une part de marché plus grande au Saguenay-Lac-Saint-Jean pour approvisionner son usine, ce qui sera difficile selon Pierre Godbout en vertu de l'entente actuelle.

L'homme d'affaires croit qu'il n'est pas dans l'intérêt du SPBQ de fermer le marché à la concurrence. "Les producteurs se sont enlevé le droit de vendre leurs bleuets [à meilleur prix]", en conclut M. Godbout, rappelant que les bleuets de la région sont déjà vendus aux transformateurs environ 25% moins chers qu'ailleurs dans la province.

À son avis, le syndicat des producteurs a adopté une position protectionniste - bien que plus ouverte que par le passé - parce qu'il est "contrôlé en partie" par les deux grandes entreprises de transformation régionale.

Il se plaint ainsi de ne pas avoir été invité à participer à l'élaboration de la nouvelle convention avec les autres acteurs de l'industrie. "On devait avoir des discussions pour voir comment on pourrait intégrer tout le monde dans l'entente. Ça a été retardé, puis retardé. Un bon matin, on m'a appelé et on m'a dit que la convention était prête et que je pouvais venir la signer, raconte-t-il. Quand j'ai signé, les deux autres (Bleuets Mistassini et Bleuets sauvages du Québec) avaient déjà signé."

M. Godbout songe à contester la convention devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires une fois la saison terminée.

Pierre Godbout est propriétaire de Bleuets Godbout depuis 1992, une entreprise familiale de troisième génération. Il vient de se porter acquéreur d'un entrepôt à Saint-Prime.