Le directeur général du Syndicat des producteurs de bleuets du Québec, Daniel Simard, reconnaît que la nouvelle convention de mise en marché du bleuet signée en juin dernier favorise les régionaux aux dépens de la concurrence extérieure. Il soutient toutefois qu'il s'agit d'un premier pas vers une plus grande libéralisation du marché. Réagissant aux plaintes de protectionnisme régional formulées par Bleuets Godbout, un transformateur de Québec, M. Simard explique que la pression était forte sur le syndicat lors des négociations de la nouvelle convention de cinq ans. "Le syndicat aurait voulu un libre marché", explique-t-il.

Des pressions politiques, notamment de la Conférence régionale des élus et des MRC, ont freiné ses ardeurs. La présence des transformateurs Bleuets Mistassini et Bleuets sauvages du Québec sur le conseil d'administration du syndicat, étant eux aussi producteurs, a également eu un poids considérable dans la décision de conserver un avantage pour les entreprises régionales. Ces deux grands transformateurs régionaux étaient détenteurs du monopole d'achat de bleuets destinés à la transformation jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle convention.

Daniel Simard confirme que Bleuets Godbout n'a pas été invitée à participer à l'élaboration de l'entente entre le SPBQ et les transformateurs. "Oui, décidément, ça a été un peu comme ça. La méthode n'a pas été la plus transparente, mais je crois que chaque partie est gagnante." Il rappelle que l'entreprise de Québec avait libre choix de ne pas signer l'entente et de la contester devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires si elle n'était pas satisfaite.

"On a pris la décision de procéder comme ça pour respecter la partie prenante (Bleuets Mistassini et Les Bleuets sauvages du Québec) de la convention de 1998," justifie M. Simard. Il admet qu'il y "a peut-être eu un manque de coordination" entre les acteurs. Il souligne toutefois qu'il a rencontré le propriétaire de Bleuets Godbout à deux reprises avant que celui-ci ne signe la convention, un mois après les deux transformateurs régionaux.

Il assure que les producteurs membres du syndicat ont aussi été mis au courant de la présence de nouveaux acheteurs potentiels comme Bleuets Godbout. "Tous les gens ont été avisés qu'on était en renouvellement de convention d'acheteurs."

M. Simard explique aussi que pour augmenter son marché potentiel à environ 35%, Bleuets Godbout pourrait former une compagnie avec des producteurs saguenéens et jeannois, ce qui en ferait une entreprise régionale. Elle pourrait également ouvrir une usine dans la région.

Par ailleurs, Daniel Simard souligne que Bleuets Godbout n'a pas toujours tout fait dans les règles de l'art par le passé. "Il (Pierre Godbout) est venu acheter des bleuets dans la région en 2007", ce qui contrevenait à la convention en vigueur, qui assurait une exclusivité aux deux grands transformateurs régionaux. Selon le directeur général du SPBQ, M. Godbout ne l'a jamais informé de ses intentions l'an dernier et n'a pas voulu respecter la convention lorsqu'il a été rappelé à l'ordre. "Il a fait le cow-boy, alors c'est sûr que ça a peut-être nui à sa réputation. Il y avait des gens qui étaient un peu frustrés."

Protectionnisme nécessaire

Daniel Simard croit qu'un peu de protectionnisme régional est nécessaire pour assurer la survie de l'industrie du bleuet au Saguenay-Lac-Saint-Jean. "Si nos bleuets s'en allaient à 100% à l'extérieur de la région, on aurait 1000 emplois de moins", ajoute M. Simard.

Il a toutefois l'intention de poursuivre sur la voie de la libéralisation, qui a débuté avec cette nouvelle convention entre transformateurs et producteurs.

"On est arrivé à une deuxième étape qui nous a permis d'avoir une ouverture de part et d'autre. On est très heureux d'accueillir des transformateurs. On travaille pour l'évolution. Mais c'est un chemin qui se fait par étape."

Malgré son nom, le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec ne représente que des producteurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Haut-Saint-Maurice. Environ 75 à 80% des producteurs de ces régions en sont membres.

Le chiffre d'affaires de l'industrie du bleuet au Saguenay-Lac-Saint-Jean est estimé à 100 millions de dollars. Quelque mille emplois permanents y sont liés et environ 5000 emplois saisonniers. La région produit plus de 90% des bleuets de la province.