À Toronto, une policière juive ne pouvait patrouiller seule avec un homme qui n'était pas de sa famille. La contrainte embêtait ses supérieurs. Mais plutôt que de mettre au rancart la policière, un rabbin a été appelé à la rescousse. Le dialogue a permis de trouver un compromis à la satisfaction de tout le monde.

«C'est possible de mettre en place des dialogues plutôt que des murs. C'est moins difficile que l'on pense de trouver un compromis qui fait l'affaire des deux côtés», dit Daniel Weinstock, professeur à l'Université de Montréal et membre de la commission Bouchard-Taylor. M. Weinstock a été invité hier à parler des accommodements raisonnables lors de la dernière journée du congrès de l'Association canadienne des chefs de police (ACCP).

Les commissaires Bouchard et Taylor ont indiqué dans leur rapport que les personnes qui occupent un poste d'autorité dans l'administration publique tels que les policiers devraient, par souci d'impartialité, éviter de porter tout signe religieux ou culturel qui permet de les identifier à un groupe.

Daniel Weinstock est en désaccord. «La neutralité, ce n'est pas nécessairement par le port de l'uniforme que ça va se garantir.» Il faut d'abord s'assurer que la police soit le reflet de sa communauté, en visant compter en ses rangs la même proportion de gens issus des minorités ethniques que chez les civils. «Et cela, même s'il faut qu'un musulman, un sikh, ou un juif, comme condition de son adhésion à la police, doive porter un signe religieux par obligation», croit M. Weinstock.

Les accommodements doivent cependant rester «raisonnables». Les policiers doivent être facilement identifiables avec leur uniforme. «Ça pose peut-être des limites raisonnables à la diversité d'apparence qu'on peut permettre à la police.»

Toronto et Vancouver ouvrent la voie à Montréal en ce domaine. L'embauche d'agents issus de divers milieux est bonne tant pour la population qui a plus confiance en une police qui lui ressemble que pour les policiers eux-mêmes. Les policiers «ethniques» apportent une connaissance d'enjeux culturels qu'ils peuvent transmettre à leurs collègues.

Il est important, ajoute M. Weinstock, de côtoyer des gens différents plutôt que de se fier seulement à des caricatures, comme ces policiers vancouvérois qui côtoient un collègue transgenre. «La réalité est souvent moins effrayante que les préjugés qu'on peut avoir», dit M. Weinstock.

«Libérer» les policiers

Daniel Weinstock s'est également dit en désaccord avec la pratique québécoise de demander à des policiers d'enquêter sur des événements où un citoyen est mort lors d'une opération policière. Dans le cas récent où un policier montréalais aurait tué le jeune Fredy Villanueva dans Montréal-Nord, c'est la Sûreté du Québec qui doit faire enquête. «Sans vouloir faire de procès d'intention de qui que ce soit, je crois qu'il est simplement trop difficile pour quelqu'un qui occupe une profession de faire une investigation sur un collègue.»

En Ontario, c'est un organisme indépendant de la police qui est chargé de faire enquête sur de tels événements. L'Alberta songe aussi à faire la même chose. Au Québec, à la suite du décès de Fredy Villanueva, plusieurs personnes ont réclamé que la province se dote d'un tel système.

M. Weinstock parle de «libérer la police d'un fardeau qu'elle ne devrait pas avoir à porter». «C'est difficile, voire impossible à faire. Est-ce qu'on peut avoir le détachement qu'il faut pour mener cette enquête quand on occupe ce genre de position?»