Un jeune abattu dans un parc, une émeute, des problèmes économiques et sociaux récurrents. Comme si cela ne suffisait pas, Montréal-Nord est aussi aux prises avec les gangs de rue, notamment les Rouges qui sévissent dans le secteur nord-est. Des groupes de plus en plus organisés, à l'image des gangs californiens.

La présence des gangs de rue de la grande famille des Rouges empoisonne la vie des citoyens du secteur nord-est de Montréal-Nord depuis plus de 20 ans.

La présence des gangs et les problèmes socio-économiques qui y règnent ont valu à ce secteur le surnom de Bronx. D'honnêtes commerçants y sont extorqués, uniquement parce qu'ils se trouvent «sur le territoire» des Rouges, aussi nommés Bloods.

Les frères Paul, soupçonnés par la police de Montréal d'être des membres des Bloods, résident dans ce quartier. Au moins quatre membres de cette famille –Philistin, 30 ans, Grégoire, 28 ans, Jocelyn, 21 ans, et Miguel, 20 ans – ont des antécédents criminels.

«Tu ne sais pas à qui tu as affaire. On est des Bloods», aurait dit Miguel, 20 ans, au commerçant du Danny's Wear lors d'un vol en mai au magasin de vêtements situé au coin des boulevards Léger et Rolland. Le commerçant aurait été menacé après avoir porté plainte contre Miguel. Le jeune homme est accusé de ce vol, mais aussi d'un vol avec séquestration qu'il aurait commis avec son frère Grégoire dans un café italien. Ce dernier événement s'inscrit dans le contexte d'une nouvelle guerre entre les Bloods et la mafia qui a fait cinq victimes en juillet dans des cafés italiens du nord de la ville. Philistin Paul a été l'une de ces victimes atteinte par balles. Il a survécu à ses blessures.

«Ils n'hésitent pas à dire qu'ils sont membres des Bloods à qui veut l'entendre», a résumé la juge Hélène Morin la semaine dernière pour justifier son refus de libérer Grégoire et Miguel Paul. Lors de l'arrestation de Grégoire, un pistolet à décharge électrique emballé dans un foulard rouge a été saisi chez lui.

Les gangs de rue de Montréal sont de plus en plus organisés. Ils sont une « copie conforme» de ceux de Los Angeles, en Californie, lieu de naissance du phénomène, selon l'expert en gangs de rue du Service de police de la Ville de Montréal, Jean-Claude Gauthier. Ce dernier avait donné ce cours de «gangs de rue 101» au procès du gang de la rue Pelletier, premier gang de rue inculpé de gangstérisme au Canada, en 2006. Les noms sont pareils: Bloods et Crips. Les couleurs et les crimes (fusillade au volant d'une voiture, braquage de domiciles, trafic de drogues, proxénétisme) aussi.

Les Bloods seraient moins nombreux, formés de gangs plus hétérogènes, mais tout aussi violents que les Crips, selon des experts de la scène criminelle montréalaise.

«Des Haïtiens de Montréal-Nord qui ne sont même pas membres de gangs attendent l'autobus dans Saint-Michel et se font tirer dessus. C'est grave», avait raconté le sergent-détective Gauthier lors du procès. Autre exemple: un jeune homme, Raymond Ellis, pris à tort pour un Rouge a été assassiné par au moins un membre des Crips, Grégory Dardignac, au bar Aria en 2005. Dardignac a été reconnu coupable du meurtre non prémédité et ses coaccusés subiront leur procès en septembre.

À leur apparition dans la métropole en 1985, les gangs portaient fièrement leurs couleurs. La rivalité entre les gangs haïtiens de Montréal-Nord et de Saint-Michel remonte à cette époque. Ces gangs ont porté plusieurs noms. Aujourd'hui, les deux grandes familles ennemies sont les Bloods, présents notamment dans Montréal-Nord et Rivière-des-Prairies, et les Crips, qui sont notamment dans Saint-Michel.

Une récente étude d'une criminologue de l'Université de Montréal révélait toutefois qu'il ne fallait pas résumer le phénomène de gangs dans la métropole à cette rivalité. Le tiers des gangs ne serait pas affilié à l'un ou l'autre. Et des membres de gangs supposément ennemis s'associent parfois pour commettre des crimes. De son côté, la police de Montréal affirme qu'il y a une vingtaine de gangs majeurs regroupant entre 350 et 500 membres.

Ce procès a aussi démontré qu'il ne fallait pas résumer les gangs de Montréal-Nord aux gangs des Rouges. Le chef du gang, Bernard Mathieu, n'était affilié ni aux Rouges, ni aux Bleus.

Et pourtant, son réseau vendait du crack dans la rue Pelletier en face de la polyvalente Calixa-Lavallée. Mathieu faisait des affaires avec les Rouges et les Bleus.

Il était à ce point puissant qu'il pouvait garantir à un membre des Ruffriders (Bleus) de venir en toute sécurité à Montréal-Nord. À l'époque, deux trafiquants approvisionnés en crack par le gang de Mathieu vendaient au coeur du «Bronx» sur les boulevards Rolland et Langelier.