Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé affirme que l'inégalité cause des problèmes de santé même lorsque les besoins minimaux sont comblés. Il s'agit de la première reconnaissance officielle par l'OMS de la théorie selon laquelle la hiérarchie rend malade.

L'étude porte plus généralement sur les inégalités socioéconomiques sur la planète. Elle s'étend en long et en large sur les écarts entre pauvres et riches. Mais plusieurs passages font état des conclusions de l'auteur principal du rapport, l'épidémiologiste britannique Michael Marmot, qui a consacré sa carrière à établir que la hiérarchie à l'intérieur des services gouvernementaux prédit en partie le risque de maladies cardiovasculaires.

Par exemple, en Corée-du-Sud, pays qui fait partie du groupe industrialisé depuis une quinzaine d'années, les hommes n'ayant que des études élémentaires risquent cinq fois plus de mourir, sur une période donnée, que ceux qui ont étudié à l'université. Ou alors, dans une comparaison des salaires versés aux ouvrières par rapport aux ouvriers, le rapport note qu'il y a très peu de différence entre pays riches et pauvres: les ouvrières gagnent 80% du salaire des ouvriers dans les pays industrialisés, 70% en Afrique subsaharienne et 73% en Amérique latine.

Justement, parmi les conclusions antérieures du Dr Marmot, on constate que l'instruction est davantage associée à l'état de santé que le revenu: plus une personne est instruite, moins elle sera malade. Cette constatation confirme l'hypothèse selon laquelle le sentiment d'impuissance expliquerait, à salaire presque égal, les problèmes de santé des subalternes par rapport à ceux des patrons. Plus une personne est instruite, plus elle comprendra ce qui lui arrive et plus elle saura comment réagir.

Stress et hiérarchie

Le couple stress et hiérarchie sociale date des années 60. À l'époque, les spécialistes pensaient que, à partir d'un certain revenu, les besoins nutritionnels et l'accès aux services de santé étaient assurés, et que l'état de santé ne devrait plus varier en fonction de la place dans la hiérarchie. L'étude sur les fonctionnaires britanniques a montré que la mortalité diminue progressivement à mesure qu'on monte dans la hiérarchie, indépendamment du revenu.

L'explication du Dr Marmot: le sentiment d'impuissance associé à la protéine fibrinogène qui participe à la formation de caillots sanguins. Le stress stimule la production de fibrinogène. Les cadres supérieurs ont peut-être davantage de responsabilités, mais ce sont eux qui prennent les décisions. Le degré de stress serait lié au sentiment d'avoir du pouvoir sur sa vie plutôt que d'avoir trop de choses à faire.

En 2005, une étude finlandaise basée sur les données du Dr Marmot a découvert un phénomène corollaire: le sentiment de justice au travail diminue le risque de maladie cardiovasculaire. Par rapport aux employés qui avaient le sentiment que leurs patrons les traitaient injustement, les employés qui se sentaient traités de manière équitable avaient 35% moins de maladies coronariennes. À titre de comparaison, l'exercice physique modéré réduisait de 25% ce risque. L'effet de la hiérarchie est donc très important.