Au lendemain d'une nuit d'émeutes, les citoyens de l'arrondissement Montréal-Nord avaient du mal à concevoir la tempête qui avait frappé leur quartier.

«Il y a des jeunes qui sont en train de massacrer notre ville pour rien, affirmait lundi matin Richard Christie, qui habite le secteur depuis plus de trois décennies. Je me demande pourquoi ils font ça? Pour quelle raison? Je trouve ça ridicule, je suis révolté! C'est épouvantable. En plus, des policiers se sont fait blesser. Pour quelle raison?»

Marin Caron, qui est né dans le quartier et qui y a habité durant 19 ans, affichait la même indignation.

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«C'est vraiment stupide. Au départ, ils manifestaient parce qu'il y a un jeune qui est mort, a-t-il dit. Je pense réellement que même le jeune qui est mort n'aurait pas voulu que ça arrive. Tout le monde dit: 'c'était un bon petit gars, il n'a rien fait de mal', mais, justement, ne faites pas quelque chose de mal comme ça en son nom. C'est vraiment... je n'ai pas de mots pour ça... c'est dégueulasse.»

Le maire Gérald Tremblay affichait pour sa part une mine sévère à l'issue d'une tournée des lieux et de rencontres avec les élus locaux.

«Des événements comme ceux qui se sont produits (dimanche soir) sont inacceptables, a dit le maire. Ce genre d'actes de violence n'a pas sa place à Montréal et je veux rassurer la population que nous allons prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer que de tels événements ne se reproduisent plus.»

M. Tremblay a demandé au ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, une enquête complète, rapide et transparente tant sur les événements de samedi, où un jeune homme de 18 ans, Fredy Vallanueva, a été tué par des policiers en patrouille, que sur ceux de la nuit de dimanche à lundi, lorsqu'une manifestation touchant cet événement a dégénéré en émeute.

Un peu plus tôt, le directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme, lançait un appel au calme en présentant le bilan de ces émeutes.

Ce bilan fait état de quatre personnes blessées, dont une policière atteinte à une jambe par un projectile d'arme à feu mais dont l'état de santé n'inspirait aucune crainte.

Les trois autres blessés étaient deux autres policiers et un ambulancier d'Urgences-Santé qui avaient subi des blessures mineures.

Le fait que des employés de services d'urgence aient ainsi été ciblés a particulièrement ulcéré le maire Tremblay.

«Je ne tolérerai pas qu'un groupe d'individus commettent des gestes de violence de la sorte et, surtout, insécurise la population du quartier et endommagent le bien public, a-t-il dit. Je ne tolérerai pas que des policiers, des pompiers et des ambulanciers soient victimes d'atteintes physiques à leur personne. Je rappelle que ces individus travaillent au service du public et nous permettent de mieux vivre en communauté.»

Le bilan du directeur Delorme faisait également état d'une vingtaine d'introductions par effraction dans des commerces de l'arrondissement Montréal-Nord. Au total, 39 méfaits ont été rapportés, dont des actes de vandalisme à des abris d'autobus. Des incendies ont aussi été allumés sur la rue mais, en plus, trois camions de pompiers ont été endommagés et huit voitures privées ont été incendiées.

Un regroupement d'organismes communautaires a également senti le besoin d'intervenir, lundi, appelant à son tour les citoyens au calme et demandant à tous de laisser les enquêtes de la Sûreté du Québec suivre leur cours.

En conférence de presse, les représentants de ces organismes ont invité les citoyens à utiliser leurs ressources pour toute aide requise, tout en promettant de faire eux-mêmes un examen de conscience sur l'efficacité de leur intervention dans un contexte de tension accrue.

La directrice de la cuisine communautaire «Les Fourchettes de l'espoir», Brunilda Reyes, s'est pour sa part dite convaincue de la nécessité de travailler de près avec les enfants.

«Je pense que c'est ça qu'on doit développer, a dit Mme Reyes. Les enfants peuvent avoir une autre vie. De quelle façon nous, comme intervenants, on peut les aider pour que ces enfants, dans quatre ans, dans cinq ans, quand ils vont être adolescents, ils vont voir autre chose que ce qu'on voit tous en ce moment.»

Jusqu'à présent, les policiers du SPVM ont procédé à l'arrestation de six individus qui feront face, entre autres, à des accusations d'introduction par effraction. Un seul d'entre eux avait comparu lundi au Palais de justice de Montréal. Il s'agit de Joel Gaudreault, 22 ans, qui a été accusé d'introduction par effraction et de vol dans un commerce.

Les cinq autres suspects ont été libérés par les policiers du SPVM. Parmi eux, un homme de 21 ans reviendra en cour ultérieurement pour faire face à une accusation d'introduction par effraction, alors qu'un autre individu de 36 ans, arrêté pour possession de crack, devra lui aussi se présenter au Palais de justice au cours des prochaines semaines. Aucune accusation ne sera portée contre les deux femmes qui l'accompagnaient au moment de son arrestation.

Enfin, un homme de 27 ans arrêté pour ivresse sur la voie publique s'est vu remettre un billet d'infraction.

De son côté, la Sûreté du Québec a fait savoir en fin d'après-midi lundi par voie de communiqué que ses enquêteurs rencontreraient, mardi, les familles des personnes impliquées dans le décès du jeune Villanueva ainsi que des représentants de la communauté de Montréal-Nord.

La SQ doit également faire le point sur ce dossier avec les médias, mardi. Entre-temps, elle demande à toute personne ayant été témoin de l'intervention, ou ayant des informations à ce sujet, de communiquer avec elle.