Sa famille le décrit comme un garçon plutôt peureux qui n'aurait jamais osé s'en prendre à un policier. Voilà pourquoi Lilian Villanueva ne décolère pas. Elle veut savoir pourquoi le plus jeune de ses cinq enfants est tombé sous les balles d'un agent du SPVM pendant une bête partie de dés.

Assise parmi ses proches, la mère de Fredy Villanueva parle peu. Les larmes aux yeux, elle écoute sa nièce raconter les événements de samedi soir. Lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense de l'intervention des policiers, elle est catégorique : «C'est criminel, ce qu'ils ont fait, crache-t-elle. Criminel!»

Fredy Villanueva a eu 18 ans en avril. Il n'avait aucun passé criminel. Et il n'était pas armé au moment où, au plus fort d'une mêlée, un policier a dégainé et lui a tiré dessus.

«On veut de la justice, tonne sa soeur, Wendy. On sait qu'il y a du racisme. Aujourd'hui, on veut de la justice.»

Samedi soir, Fredy Villanueva avait accompagné son frère Dany au parc Henri-Bourassa pour y rencontrer des amis. Le petit groupe jouait aux dés dans le stationnement situé entre le terrain de soccer et l'aréna lorsqu'un policier et une policière se sont approchés.

«Fred s'est fâché»

Selon des témoins, l'un des agents a demandé à Dany, 22 ans, de s'approcher. Il a refusé. Quelques secondes plus tard, après un échange d'insultes, l'agent s'est rué sur le jeune homme. Selon Martha Villanueva, une cousine qui accompagnait la bande, Fredy a voulu porter secours à son frère.

«Fred s'est fâché, raconte-t-elle. Il voulait aider son frère à se relever, et la police a sûrement pensé qu'il avait une arme sur lui parce qu'il avait les mains dans les poches.»

Les passants qui ont vu la scène affirment que l'un des jeunes a sauté au cou d'un policier. L'un des deux agents, qui immobilisait toujours Dany par terre, a dégainé son arme et tiré quatre coups de feu, selon Martha Villanueva.

«Sur le coup, on ne savait pas ce qui s'était passé, confie-t-elle. À un moment donné, je me suis retournée et j'ai vu Fredy qui se tenait une jambe, il se tenait le torse. Il était par terre, mais je ne voyais pas qu'il saignait.»

Deux autres personnes ont été atteintes par les balles, mais leurs vies ne sont pas en danger. Selon ce qu'a appris La Presse, l'un d'entre eux serait Denis Meas, 18 ans. Selon TVA, l'autre serait Jeffrey Sagor Metelus.

Comme le veut une directive ministérielle, c'est la Sûreté du Québec qui enquête lorsqu'un agent du SPVM est impliqué dans une fusillade. La SQ a indiqué hier qu'elle tentait toujours de reconstituer le film des événements qui ont mené à la mort de Fredy Villanueva.

Dans une entrevue accordée à La Presse, Jorge Orlando Villanueva, l'oncle des deux frères, a indiqué que Dany aurait pu faire l'objet d'une interdiction de fréquenter le parc. Le jeune homme avait déjà plaidé coupable à des accusations de vol qualifié, et il attend maintenant son procès pour un délit semblable.

Selon nos sources, l'agent impliqué dans la fusillade fait partie du SPVM depuis trois ans et demi. Sa collègue s'est jointe à la police il y a un an et demi.

Dans le stationnement du parc Henri-Bourassa, hier, les enquêteurs s'affairaient toujours à reconstituer la scène. Derrière le ruban orange, on pouvait voir une voiture de patrouille dont la lunette arrière, selon des témoins, a été fracassée d'un coup de pied par Dany Villanueva après la fusillade. Des gants mauves et des sachets blancs, laissés derrière par les secouristes, traînaient parmi les éclats de verre.

Quelques heures plus tard, une fois les lieux rouverts au public, Diana Serrano s'est dirigée tout droit vers la marque brunâtre, de la taille d'un frisbee, laissée sur l'asphalte par le sang de la victime. Arrivée là, elle a fondu en larmes.

«C'est injuste, a clamé la jeune femme, camarade de classe de la victime. Il n'était pas armé, il ne faisait rien. Il jouait aux dés. Ce n'est pas une raison pour lui enlever la vie.»

La famille de la victime, elle, veut des réponses.

«On ne veut pas que, parce que ce sont des policiers, ils puissent continuer à faire leur job comme si rien ne s'était passé, affirme Wendy Villanueva. Je ne veux pas que la dame et le monsieur qui ont fait ça puissent continuer à patrouiller comme si de rien n'était.»