La MRC de Lac-Saint-Jean-Est vit une nouvelle crise, encore une fois engendrée par le dossier du site d'enfouissement de L'Ascension.

Hier soir, à Alma, le préfet de la MRC, Léonard Côté, a dû interrompre abruptement la séance spéciale qu'il avait commandée et dont le principal sujet concernait l'avenir du site d'enfouissement de L'Ascension.

C'est l'intervention du citoyen Richard Harvey qui a déclenché l'escalade. Auparavant, les esprits s'étaient toutefois échauffés alors qu'une fois de plus, les secteurs Nord et Sud de la MRC se sont affrontés par rapport à cet épineux dossier.

Les élus devaient en effet décider, hier soir s'ils allaient maintenir le cap en ce qui concerne L'Ascension, ou s'ils allaient plutôt faire appel au secteur privé pour la gestion de leurs déchets, dès janvier 2009, date à laquelle entrent en vigueur les nouvelles normes gouvernementales en matière d'enfouissement.

Rappelons qu'en vertu d'une entente survenue l'an dernier, le site de L'Ascension devait être transformé de façon à accueillir les matières résiduelles des trois MRC du Lac-Saint-Jean jusqu'en décembre de 2009 à 2013. Or, compte tenu de nouvelles informations selon lesquelles le site ne répond pas aux normes actuelles, les élus ont décidé d'analyser en profondeur l'option que représente le parc environnemental AES de Larouche, propriété de l'entreprise Matrec.

Il n'en fallait pas plus pour réanimer les opposants de la première heure ainsi que la majorité des maires du secteur Nord, qui ont toujours prôné la fermeture immédiate du site d'enfouissement de L'Ascension, aménagé aux abords de la rivière Péribonka.

Hier soir, après avoir comparé les coûts relatifs aux deux solutions, les maires ont finalement penché en faveur du maintien des opérations à L'Ascension. Adoptée à neuf voix contre huit, la résolution a cependant été annulée par le maire de Saint-Bruno et ancien préfet, Réjean Bouchard, dont la municipalité détient un droit de veto à la MRC de Lac-Saint-Jean-Est.

Lorsqu'il trônait à la MRC, Réjean Bouchard avait pourtant appuyé sans réserve le maintien des activités d'enfouissement à L'Ascension. Or, explique-t-il, la donne est aujourd'hui différente puisqu'à l'époque, il était convaincu que le site actuel était conforme et qu'il ne représentait aucun danger pour l'environnement.

" Je me sens très mal à l'aise d'avoir défendu cette option. Malheureusement, c'est par les journaux, la semaine dernière, que nous avons appris que notre site avait certaines défaillances. Par respect pour les gens qui ont fait le débat, je me devais d'agir ainsi ce soir. (...) Nous n'aurions jamais dû transmettre les informations que nous avons transmises à l'époque, sans savoir si celles-ci étaient correctes ou non ", a expliqué Réjean Bouchard à sa sortie de la salle du conseil.

Bien que donnant un certain répit à ceux qui souhaitent la fermeture immédiate du site de L'Ascension, le veto de Réjean Bouchard pourrait n'avoir que très peu de répercussions sur le dossier. Son homologue de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, Lawrence Potvin, a en effet demandé au préfet Léonard Côté qu'il convoque une nouvelle assemblée à l'intérieur d'un délai de 10 jours. En vertu des règlements qui régissent la MRC, il est impossible d'imposer un veto à deux reprises sur un même dossier.

"Gang de caves"

Une fois le sujet clos, la tension était toujours perceptible dans la salle du conseil d'Alma, les maires rongeant leurs freins respectifs en attendant impatiemment la levée de l'assemblée.

Puis, ce fut la période de questions réservée au public.

" Le peuple est ici pour que vous ''slaquiez'' la pédale, gang de caves. "

Ces mots prononcés par Richard Harvey, de L'Ascension, coiffaient un discours au cours duquel il avait personnellement attaqué le maire de Métabetchouan-Lac-à-la-Croix, Lawrence Potvin. Désirant conserver le contrôle de son assemblée, le préfet Côté s'est immédiatement levé et, appuyé du maire d'Alma, Gérald Scullion, a mis fin à la séance.

S'en est suivi une engueulade portant tantôt sur le respect des personnes, tantôt sur la mauvaise foi des élus.

Au centre de la querelle, le maire Potvin s'est défendu avec vigueur, qualifiant son interlocuteur de "baveux", un compliment que ce dernier lui avait fait quelques instants plus tôt.

" Quelle ampleur doit prendre un mensonge avant de devenir la vérité ? ", a ajouté le citoyen de L'Ascension avant d'abandonner le micro.

Selon le groupe de contestataires, composé d'une quinzaine de personnes, l'entente survenue l'an passé entre la MRC et les citoyens de L'Ascension ne tient plus. À l'époque, insiste-t-on, les experts garantissait la conformité du site et l'étanchéité des parois de bentonite qui l'entourent.

" Ça ne fonctionne plus pour 2013, a lancé l'une des citoyennes rencontrées. Ils nous ont menti. "

CHRONOLOGIE D'UNE SAGA

17 novembre 2005

Première présentation publique du Plan de gestion des matières résiduelles (PGMR) qui couvrira, dès janvier 2009, l'ensemble du territoire du Lac-Saint-Jean. Déjà, le maire Louis Ouellet fait état du mécontentement de ses citoyens, insistant sur le fait que le site d'enfouissement de L'Ascension est situé à proximité de la rivière Péribonka. Il évoque le parc environnemental AES de Larouche comme solution de remplacement.

7 décembre 2005

Le maire Louis Ouellet rend publique une lettre du ministère du Développement durable et de l'Environnement, qui confirme la contamination des terres avoisinant le site d'enfouissement.

21 janvier 2007

La MRC de Lac-Saint-Jean-Est adopte le PGMR, sans toutefois identifier le site qui accueillera les déchets du Lac-Saint-Jean.

14 mars 2007

Une assemblée extraordinaire est tenue à L'Ascension au sujet de l'avenir du site d'enfouissement. Le maire Louis Ouellet annonce alors à sa population que ses homologues de la MRC ont tranché : "Les déchets iront à L'Ascension, point final", rapporte-t-il avec indignation. En réaction, les citoyens de L'Ascension s'unissent derrière leur maire et amorcent une levée de boucliers historique contre les dirigeants de la MRC, visant particulièrement le préfet de l'époque, Réjean Bouchard, et le maire d'Alma, Gérald Scullion.

20 mars 2007

Quelque 70 citoyens de L'Ascension envahissent l'hôtel de ville d'Alma, lors d'une séance régulière du conseil. Le maire Gérald Scullion est vivement critiqué pour sa position, lui qui a toujours défendu le maintien des opérations au site de L'Ascension.

31 mars 2007

L'ancien préfet de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, Réjean Bouchard, affirme qu'il n'entend pas faire marche arrière dans ce dossier, mentionnant par ailleurs que les citoyens de L'Ascension sont victimes de désinformation de la part de leur maire. Au cours des semaines qui suivent, la majorité des maires du secteur Nord se rangent publiquement derrière Louis Ouellet et exigent la fermeture du site.

3 mai 2007

La coalition environnementale Eau Secours ! se joint au groupe SOS Péribonka, dans sa lutte contre la MRC de Lac-Saint-Jean-Est.

11 mai 2007

Dans le cadre d'un sondage UniMarketing-Le Quotidien, la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean appuie à 82 % la cause des citoyens de L'Acension, qui exigent un référendum sur l'avenir du site d'enfouissement.

12 juin 2007

Cinq élus du secteur Nord abandonnent leur siège en pleine assemblée publique de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, dénonçant ainsi la décision de leurs homologues de maintenir le site de L'Ascension opérationnel, sans donner des garanties suffisantes concernant la fermeture de ce dernier en 2013. Six jours plus tard, le maire d'Alma, Gérald Scullion, tient un point de presse au cours duquel il blâme sévèrement les maires démissionnaires. Il jure par ailleurs que le site de L'Ascension est conforme aux normes environnementales, et se dit favorable à le conserver pour encore trois décennies.

12 septembre 2007

Les maires des municipalités de L'Ascension, de Lamarche, de Labrecque, de Sainte-Monique et de Saint-Nazaire reviennent à la table de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est, après avoir obtenu la promesse que le site de L'Ascension sera fermé définitivement le 31 décembre 2013.

9 août 2008

Compte tenu des coûts qu'impliquerait l'éventuelle transformation du site de L'Ascension en Lieu d'enfouissement technique (LET), les élus de la MRC de Lac-Saint-Jean-Est envisagent de revenir sur leur décision et d'opter en faveur d'un partenariat public-privé impliquant le parc environnemental AES de Larouche. Une soumission est demandée aux dirigeants de l'entreprise Services Matrec, propriétaire du site.