Des élections fédérales sont inévitables cet automne, si l'on se fie à Stephen Harper. Il ne reste plus qu'à savoir si c'est le premier ministre, le chef libéral Stéphane Dion ou le chef bloquiste Gilles Duceppe qui les provoquera.

M. Harper ne croit plus un seul instant, a-t-il affirmé hier, que son gouvernement minoritaire va survivre jusqu'en octobre 2009, date prévue par la loi pour les prochaines élections. De passage à Hamilton, il a soutenu que les partis de l'Opposition ont fait savoir au cours des derniers mois qu'ils ne veulent pas que son parti se maintienne au pouvoir jusqu'à cette date.

En fin de journée, le Bloc a d'ailleurs fait savoir qu'il déposera une motion de censure envers le gouvernement Harper à la première occasion, si les conservateurs n'abandonnent pas leur «idéologie de droite qui va à l'encontre des valeurs du Québec et qui saccage tout sur son passage: la culture, l'économie et l'environnement».

Le premier ministre a réitéré sa menace de déclencher lui-même des élections si la situation politique à Ottawa devient ingouvernable ou s'il juge que son gouvernement doit obtenir un nouveau mandat de l'électorat.

Poursuivant une mini-tournée préélectorale de trois jours dans le sud de l'Ontario, M. Harper a dit qu'il prendra quelques semaines pour faire le tour de la question. Il compte même rencontrer les chefs des trois autres partis politiques pour tester leur humeur avant la reprise des travaux parlementaires, le 15 septembre.

«Le Bloc et le NPD ont indiqué qu'ils veulent des élections maintenant. En fait, ils veulent des élections depuis plusieurs mois. M. Dion a indiqué que le gouvernement devrait être défait, mais il n'a pas encore des sondages qui lui sont favorables. Ce n'est pas une position responsable», a affirmé le premier ministre.

«Au cours des prochaines semaines, je dois examiner et analyser la situation et déterminer si le gouvernement peut avoir une session fructueuse. Mais c'est clair que les partis de l'opposition ne vont pas respecter la Loi sur les élections à date fixe. (...) Les élections ne seront pas en octobre 2009. C'est évident», a ajouté M. Harper durant une conférence de presse.

Désirant bien se faire comprendre, M. Harper a pris soin de répéter ses propos en anglais à la toute fin de la conférence de presse. Et il s'est même permis de prédire que le prochain gouvernement sera aussi minoritaire, conservateur ou libéral, si l'on se fie aux sondages actuels. Si tel devait être le cas, il s'agirait du troisième gouvernement minoritaire de suite depuis 2004.

Deux fois plutôt qu'une

C'est la deuxième fois en deux semaines que M. Harper parle de déclencher lui-même des élections générales, même si son gouvernement a adopté une loi en 2007 stipulant que les élections générales doivent avoir lieu à date fixe, tous les quatre ans, et que le prochain scrutin devrait être tenu en octobre 2009.

Les propos du premier ministre ont provoqué de virulentes réactions de la part des partis d'opposition. Le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, qui a lui-même récemment évoqué la possibilité de provoquer la chute du gouvernement conservateur cet automne, a convoqué une conférence de presse deux heures plus tard afin de dénoncer les déclarations de Stephen Harper.

«C'est le premier ministre qui est irresponsable. Il prétend qu'il y a une crise parlementaire quand, chaque fois, c'est son parti qui bloque les travaux du Parlement», a lancé M. Dion.

Le chef libéral a affirmé que les conservateurs ont tout fait pour faire dérailler les travaux des comités qui examinaient des questions embarrassantes pour le gouvernement Harper, notamment l'affaire Cadman et les dépenses électorales du Parti conservateur aux dernières élections.

Selon M. Dion, le premier ministre brandit la menace d'élections pour empêcher les Canadiens de connaître tous les détails de ces questions qui écorchent l'éthique des conservateurs.

Le chef bloquiste Gilles Duceppe s'est montré plus cinglant, affirmant que Stephen Harper doit se «regarder dans le miroir» lorsqu'il blâme l'opposition de paralyser les travaux parlementaires. «C'est lui et le Parti conservateur du Canada qui paralysent les travaux parlementaires. Ils ont même écrit un manuel pour expliquer à leurs députés comment faire de l'obstruction en comité», a affirmé Gilles Duceppe.

«Le chef conservateur veut faire porter le blâme d'élections hâtives aux partis d'opposition, mais c'est lui qui menace de contourner sa propre loi sur les élections à date fixe. La réalité, c'est que Stephen Harper veut se sauver des scandales qui lui collent à la peau», a-t-il ajouté.

M. Duceppe a dit être prêt à rencontrer M. Harper pour discuter de la prochaine session parlementaire. Mais «à la sortie de la rencontre, si je constate que Stephen Harper s'entête avec son agenda de droite qui ne convient pas du tout au Québec, à notre première journée de l'opposition, le Bloc québécois va déposer une motion de censure à l'endroit du gouvernement conservateur. Le Bloc québécois est prêt à prendre ses responsabilités», a affirmé M. Duceppe.

Le Bloc québécois aura besoin de l'appui des deux autres partis pour adopter une motion de censure. Le NPD a déjà fait savoir qu'il votera en faveur d'une telle motion. Les libéraux seront fortement tentés aussi de le faire. En fait, ils pourraient même le faire avant le Bloc québécois puisque le calendrier parlementaire les favorise en tant qu'opposition officielle. Ils seront les premiers à obtenir une journée leur donnant droit de déposer une motion de leur choix, dont une motion de censure.