Au moment même où il réfléchissait à son avenir professionnel, potentiellement chez Persistence Capital Partners, Philippe Couillard signait deux décrets favorisant l'expansion des cliniques privées.

Avant de remettre sa démission, ses derniers gestes comme ministre de la Santé ont été de réduire de moitié le coût du permis d'exploitation d'une clinique privée et d'augmenter le nombre d'opérations qu'on peut y pratiquer, peut-on lire dans La Gazette officielle du Québec.

Or, au moment d'annoncer qu'il se joignait au fonds d'investissement privé en santé Persistence Capital Partners, lundi, M. Couillard a admis avoir eu des contacts avec son futur employeur avant de démissionner de son poste de ministre.

«On a eu des rencontres, uniquement des conversations générales. Dans les quelques jours qui ont précédé ma démission, il est devenu apparent qu'on pouvait envisager une collaboration professionnelle, mais ça s'est concrétisé après le 25 juin», a-t-il dit lundi, en entrevue à La Presse.

Dans un arrêté ministériel signé du ministre Couillard le 18 juin, le gouvernement a adopté la liste officielle d'une cinquantaine de «traitements médicaux» qui pourront maintenant être dispensés dans un «centre médical spécialisé», une clinique privée. Or, dès le jeudi 19 juin, des médias ont révélé que Philippe Couillard quittait la vie politique. Le mercredi suivant, le jour où il a confirmé sa démission, le gouvernement adoptait par décret une modification au règlement sur les frais exigibles pour l'octroi d'un permis de centre médical spécialisé. En réduisant de moitié les frais demandés aux gestionnaires de cliniques privées, le gouvernement se retrouve maintenant à assumer une partie des coûts pour l'analyse des dossiers et la délivrance des permis.

«La veille de sa quasi-annonce de départ, il s'était assuré que le règlement de la loi 33 qui va baliser et renforcer le statut du privé pour une cinquantaine de chirurgies soit adopté. Ça confirme les circonstances troublantes de son départ», a estimé le porte-parole du Parti québécois en matière de santé, Bernard Drainville, qui avait lui-même dû se défendre d'avoir manqué d'éthique, en 2007, lorsqu'il était passé de journaliste politique à politicien, se portant candidat aux élections générales.

«Je pense qu'il est du devoir du ministre de la Santé de vérifier la nature des contacts qui ont eu lieu entre PCP et M. Couillard. Quel était l'objet de ces rencontres? S'il a été question d'un éventuel emploi pour lui chez PCP, il était alors carrément en conflit d'intérêts», a souligné hier le député péquiste de Marie-Victorin.

Au cabinet du premier ministre, on a répété, hier, que le Conseil exécutif avait fait ses vérifications et qu'il n'y avait aucun problème à ce que M. Couillard travaille pour son nouvel employeur, PCP, propriétaire des cliniques privés Medisys.

«Nos vérifications nous ont permis de conclure qu'il n'avait pas eu de «rapports officiels directs et importants» avec l'entreprise en question. Pour nous, ça nous satisfait», a souligné Marie-Claire Ouellette, au ministère du Conseil exécutif. Même s'il ne s'agit pas d'une loi, s'il était prouvé que l'ex-ministre a contrevenu ou s'apprêterait à contrevenir à la directive de confidentialité qui lui est imposée, le gouvernement pourrait, le cas échéant, intenter une action en dommages ou obtenir une injonction, a expliqué Mme Ouellette.

Il a été impossible, hier, de parler à Philippe Couillard ou Sheldon Elman, de PCP, pour vérifier la nature des rencontres qui ont eu lieu avant la démission de l'ex-ministre de la Santé.