Les policiers de Montréal ont utilisé leur pistolet électrique six fois en moins d'une minute contre Quilem Registre au moment de son arrestation, le 14 octobre dernier. Ces décharges n'auraient pas suffi à causer sa mort, quelques jours plus tard à l'hôpital du Sacré-Coeur, mais y ont «possiblement contribué», a conclu la coroner Catherine Rudel-Tessier, dans son rapport dévoilé hier.

Le 14 octobre 2007, deux patrouilleurs du SPVM ont tenté d'interpeller Quilem Registre, 38 ans, qui venait de brûler un stop au volant de sa voiture. M. Registre a cherché à fuir et a accroché deux voitures en stationnement avant d'en percuter une autre de plein fouet. Il se serait alors montré très agité et aurait refusé de collaborer. Pour le maîtriser, les policiers ont donc utilisé leur pistolet électrique, six fois plutôt qu'une.

Quilem Registre est mort le 18 octobre à l'hôpital d'une nécrose du foie, de l'intestin grêle et du côlon.

Trop rapides?

La coroner Catherine Rudel-Tessier estime que les policiers du SPVM ont peut-être dégainé leur pistolet électrique un peu trop rapidement ce soir d'automne. L'agitation de M. Registre, qui était sous l'effet de l'alcool et de la cocaïne, aurait peut-être dû les inciter à faire appel à des renforts plutôt qu'à utiliser leur pistolet, écrit la coroner dans son rapport.

Me Rudel-Tessier recommande donc que la formation des policiers au Québec soit revue pour qu'ils soient plus conscients des impacts que peut avoir ce type d'arme sur la santé des personnes visées. La coroner relève qu'un seul des deux policiers qui ont arrêté M. Registre avait reçu la formation requise pour utiliser le pistolet électrique. «Si les deux policiers avaient été mieux formés, ils auraient, peut-être plus facilement, pu prendre contrôle de M. Registre et n'auraient pas eu besoin pour ce faire de six décharges électriques.»

La coroner estime que le pistolet électrique «a sa place» dans les services de police du Québec mais qu'il ne faut surtout pas banaliser son utilisation. Me Rudel-Tessier demande au ministère de la Sécurité publique de lancer une étude pour mieux analyser son usage et suggère à Québec d'obliger les services de police à filmer toutes les interventions qui le mettent à contribution.

Demande d'enquête

La famille de Quilem Registre a réagi vivement à la publication du rapport en exigeant hier une enquête «indépendante et publique» sur le travail des policiers. «Je réclame justice pour mon fils qui s'est fait tuer par le Taser», a lancé le père lors d'un point de presse.

D'ici là, la famille estime que l'utilisation du pistolet électrique devrait faire l'objet d'un moratoire et la formation des policiers, d'une profonde révision. Le président de la Ligue des Noirs, Dan Philip, a joint sa voix à celle de la famille Registre. «Il y a eu mort d'homme. Nous sommes dans une société indépendante. On ne peut pas accepter qu'il n'y ait pas d'enquête indépendante sur le travail des policiers», a-t-il dit au cours d'un entretien téléphonique.

Le député néo-démocrate Thomas Mulcair, membre d'une coalition qui réclame un moratoire immédiat sur le pistolet, a aussi déploré hier, au cours d'une interview téléphonique, qu'il n'y ait pas de normes strictes sur son utilisation comme il en existe pour les armes à feu. Cette situation, a-t-il dit, aurait pour effet de banaliser l'usage du pistolet à décharge électrique. «Les policiers s'en servent comme d'une sorte de matraque électrique dont on se relève sans problème. Mais parfois, on ne peut pas faire revenir les gens. Il y a déjà eu plus de 20 morts au Canada», a-t-il insisté.

Le Service de police de la Ville de Montréal, la Fraternité des policiers et le ministère de la Sécurité publique ont tous refusé, hier, de commenter les propos de la coroner Rudel-Tessier.

À Montréal, une cinquantaine de policiers ont été formés pour utiliser l'un des 16 pistolets électriques à leur disposition. L'arme aurait été utilisée 42 fois entre le 1er janvier et le 31 août 2007, la plupart du temps par les groupes tactiques d'intervention.