C'est la rentrée cette semaine dans les universités. Une rentrée qui se conjugue avec la sortie sur nos écrans d'un film coup-de-poing qui a braqué les projecteurs sur les universités québécoises. À l'heure des déficits, des grèves étudiantes et des naufrages immobiliers, Le Banquet est une réflexion sur le rôle de l'université, des professeurs et des étudiants. Nous avons rencontré deux acteurs du monde universitaire pour faire le point sur ces enjeux brûlants.

Q: Vous n'avez pas encore vu le film Le Banquet. L'un des personnages y dénonce la démocratisation des études universitaires. L'université est devenue le royaume des cancres, dit-il. Qu'en pensez-vous?

R: Je suis totalement en désaccord. Je crois que nous n'avons pas encore assez d'étudiants dans les universités québécoises. Nous devrions avoir plus de diplômés.

Q: Mais le niveau général des étudiants n'a-t-il pas baissé au cours des 20 dernières années?

R: Où sont les preuves de cela?

Q: Des professeurs de tous les degrés scolaires dénoncent cette baisse de niveau. Les étudiants seraient de plus en plus faibles. N'avez-vous pas les mêmes problèmes à l'université?

R: Des anecdotes éparses ne forment pas un portrait global. Au Québec, une question se pose: comment devrions-nous enseigner le français à une population qui est de plus en plus diversifiée? Gérer cette diversité est un grand défi. Mais il faut en faire un atout, non un poids.

Q: Parlons maintenant de financement. Les universités québécoises accusent un déficit de 400 millions. Comment devrait-on financer le réseau universitaire?

R: Le gouvernement québécois donne plus d'argent par étudiant que n'importe quel gouvernement en Amérique, et même au monde, à part peut-être la Suède. C'est une situation impossible à maintenir à long terme.

Q: Selon vous, les étudiants doivent donc contribuer davantage. Jusqu'où exactement?

R: D'abord, le gouvernement doit demeurer le premier bailleur de fonds. Si nous voulons maintenir un réseau fort et compétitif, oui, les étudiants doivent contribuer davantage. Mais les droits de scolarité ne doivent pas être déréglementés comme en Colombie-Britannique, où on a dit aux universités: augmentez les droits de scolarité quand vous voulez, autant que vous voulez.

Q: Ce n'est pas ce que vous souhaitez pour le Québec?

R: Non. Ce que je voudrais, c'est une hausse raisonnable et prévisible des droits de scolarité. De plus, tous les étudiants qui veulent venir à l'université devraient pouvoir le faire, indépendamment du revenu de leurs parents. Il devrait donc y avoir davantage de prêts et bourses. L'ironie, au Québec, c'est qu'on n'a pas assez de financement gouvernemental pour permettre à plus d'étudiants de venir à l'université. Le Québec est sixième au Canada pour ce qui est du nombre de diplômés. Avec de bonnes intentions, nous avons créé un système pervers où on subventionne les étudiants qui viennent de la classe moyenne ou moyenne supérieure.

Q: Qu'est-ce qui constituerait une augmentation raisonnable des droits de scolarité?

R: Cinq pour cent d'augmentation par année, jusqu'à ce qu'on atteigne la moyenne canadienne. (NDLR: autour de 6000$ par an.)

Q: Est-ce que les recteurs des autres universités partagent votre position sur l'augmentation des droits de scolarité?

R: Il y a eu un énorme changement depuis cinq ans. L'année où je suis arrivée en poste à McGill, la plupart des gens croyaient que, d'un point de vue social, il ne fallait pas augmenter les droits parce que ça nuirait à l'accessibilité. On a démontré que ce n'était pas vrai. Cinq ans plus tard, la plupart des gens sont d'accord pour dire qu'il faut augmenter les droits de scolarité.

Q: Les associations étudiantes disent au contraire qu'une hausse des droits de scolarité nuira à l'accessibilité.

R: Aucun étudiant ne va être d'accord pour payer davantage. Mais chaque année, les recteurs doivent faire des choix déchirants sur des enjeux importants parce que nous manquons d'argent.

Q: Donnez-moi des exemples concrets de choses qui vont mal dans votre université à cause du sous-financement.

R: Nous devrions vous organiser une visite guidée! Nous avons 50 édifices vieux de plus de 50 ans. Il y a des problèmes d'infiltration d'eau, d'électricité, de chauffage. Nous manquons d'infrastructures modernes dans nos salles de cours pour que les étudiants puissent, par exemple, brancher des portables.

Q: Si, soudainement, vous aviez beaucoup d'argent, quelle serait la première chose que vous feriez à McGill?

R: Je donnerais davantage d'aide financière aux étudiants moins fortunés. Des bourses pour les étudiants de deuxième cycle.

Q: À la suite des déboires de l'UQAM, il y a eu beaucoup de débats dans la dernière année sur l'administration des universités. Est-ce que les universités sont bien placées pour gérer des projets immobiliers?

R: Les problèmes de l'UQAM sont l'exception, et non la norme. Les mécanismes de reddition de compte sont là. Si le gouvernement vote d'autres règlements, il va créer une bureaucratie qui va nuire à la compétitivité des universités québécoises.