La liste des victimes de la listériose s'allonge. On en était hier à 12 morts, et le bilan risque encore de s'alourdir. Les charcuteries suspectes sont retirées des tablettes. Un sacré casse-tête: elles sont vendues sous plus de 20 marques différentes, toutes produites à l'usine de Maple Leaf à Toronto. Laquelle pourrait reprendre ses activités aujourd'hui, après avoir été décontaminée. Les consommateurs seront-ils au rendez-vous? Pas si sûr.

Le rappel des viandes de Maple Leaf risque de se transformer en la pire crise alimentaire du Canada. Les autorités publiques ont revu leur bilan hier et affirment maintenant que 12 personnes sont mortes après avoir contracté la listériose.

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L'Agence de santé publique du Canada a revu sa façon de calculer les décès et inclut désormais les cas où la listériose aurait «contribué» à la mort, a expliqué le ministre de l'Agriculture du Canada, Gerry Ritz, dans une conférence bilan, en fin d'après-midi hier. Il s'agit de 11 Ontariens et d'un résidant de la Colombie-Britannique. Les responsables n'ont pas voulu dévoiler de détails sur l'identité des victimes, même des éléments clés tels leur âge et leur condition.

L'Agence compte aussi 26 cas de listériose dans le pays et 29 cas suspectés, dont une dizaine au Québec. En 1966, 16 personnes étaient mortes après avoir consommé de la bière Dow. Ce serait le pire épisode de contamination alimentaire au Canada jusqu'à présent, bien qu'on n'ait jamais prouvé hors de tout doute la responsabilité du brasseur.

Dans le cas présent, le bilan risque de s'alourdir puisque la maladie peut se développer deux mois après la consommation d'un produit contaminé. «Nous nous attendons à ce que le nombre de cas augmente pendant que l'enquête se poursuit et que nous continuons à tester des échantillons», a précisé M. Ritz. Il faut aussi établir la cause de la contamination, ce qui ne sera pas simple.

«On demande aux gens (qui ont consommé des produits visés par le rappel) d'être attentifs et de consulter leur médecin s'ils ont des symptômes plus importants qu'une grippe habituelle», explique Jacinthe Perras, de l'Agence de la santé publique du Canada.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a confirmé samedi que l'éclosion de la maladie était bien liée à la découverte de la bactérie Listeria dans une usine ontarienne de Maple Leaf. L'entreprise a depuis élargi son rappel à toutes les viandes qui sont passées par ce point de production.

Ce qui complique passablement les choses puisque Maple Leaf fait des produits pour différentes maisons. La nouvelle liste de l'ACIA compte plus de 20 marques différentes. Compliment, la ligne maison des épiceries IGA, et Kirkland, celle des magasins Costco, en font maintenant partie pour des produits de dinde et de pastrami. Les restaurants McDonald's et Boston Pizza ont aussi reçu des produits de l'usine de Toronto. La liste comprend des pains de viande, de la viande fumée, du boudin, du poulet, de la dinde, du boeuf, du porc et plusieurs types de charcuterie.

Aucun de ces produits ne devrait toutefois se retrouver sur les tablettes des supermarchés ce matin.

Des consommateurs inquiets

Dans les épiceries, hier, les responsables des charcuteries retiraient les nouveaux produits touchés par le rappel. Chez Metro, tout était terminé en après-midi hier. Selon Marie-Claude Bacon, responsable des affaires corporatives pour les épiceries, l'opération n'a pas été plus compliquée à réaliser que pour les dizaines d'autres rappels alimentaires qui sont faits chaque année au pays. «C'est un rappel qui est plus spectaculaire que les autres», admet-elle toutefois. Les produits qui ont été fabriqués à l'usine en cause portent l'identification du point de production, le 97B.

Metro, comme les autres épiceries, n'affichera pas la liste des produits rappelés dans les marchés ni sur son site Internet, précisément parce que ceux qui s'y trouvent encore sont sains et peuvent être consommés sans crainte.

Or les consommateurs, justement, ont des craintes face à un rappel si important et ayant des conséquences tragiques, explique Gale West, professeur au département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l'Université Laval.

«Pendant un certain temps, il va y avoir une perte de confiance envers tous les produits de charcuterie, pas seulement les produits Maple Leaf», dit cette spécialiste du comportement des consommateurs. Dans le cas de la contamination des épinards à la bactérie E. coli en 2006, les ventes étaient restées anormalement basses plusieurs mois après la fin du rappel. Même pour les épinards québécois qui n'avaient pourtant jamais été contaminés.

Pour les consommateurs, il est très difficile de faire la part des choses dans un cas d'épidémie où l'information est pourtant abondante. «On entend aussi toutes sortes de choses, explique Gale West. On raconte que c'est la faute des multinationales qui ne sont pas prudentes. Or, il n'y a rien de plus faux.»

Gale West croit qu'on risque de voir beaucoup de sandwichs aux oeufs dans les boîtes à lunch à la rentrée. «Les gens vont préférer cuire leur poulet, le cuire beaucoup, et faire des sandwichs à leurs enfants pour une certaine période, dit-elle. Et pour ce genre de chose, une partie des consommateurs a la mémoire très longue et changera son comportement jusqu'à ce que le gouvernement l'ait assurée hors de tout doute qu'il n'y a plus de problème.»

L'usine de Maple Leaf a été décontaminée et pourrait reprendre la production dès aujourd'hui ou demain. Mais les viandes qui y seront produites ne seront pas destinées au grand public, mais plutôt aux laboratoires de l'ACIA, qui doit faire tous les tests de salubrité avant de donner le feu vert à la production.

La liste de tous les produits visés par le rappel est disponible à l'ACIA, au www.inspection.gc.ca.