Quand il a annoncé sa démission, le 25 juin, l'ex-ministre de la Santé, Philippe Couillard, avait déjà informé depuis un certain temps le cabinet du premier ministre et le Conseil exécutif qu'il allait joindre les rangs d'une firme privée dans le secteur de la santé.

Car dès le 20 juin, après étude de son dossier, le Conseil exécutif - le ministère du premier ministre - lui avait donné le feu vert une première fois pour effectuer, sans crainte d'enfreindre les règles, son passage de la vie publique au secteur privé.

Puis, le 18 août, le jour de l'annonce officielle de son association avec la firme privée d'investissement en santé Persistence Capital Partners (PCP), qui chapeaute les cliniques privées Medisys, il recevait une deuxième absolution du Conseil exécutif.

A la demande du secrétaire général du Conseil exécutif - le plus haut fonctionnaire de l'Etat -, Gérard Bibeau, le secrétaire adjoint à l'éthique et à la législation, Louis Sormany, a donc vérifié à deux reprises si l'ex-ministre de la Santé s'était placé en conflit d'intérêts en quittant ses fonctions pour oeuvrer auprès d'une compagnie associée à des cliniques privées.

Chaque fois, il a conclu que M. Couillard n'avait enfreint aucune règle, comme en témoignent les avis produits par M. Sormany, dont La Presse Canadienne a obtenu copie.

«M. Couillard nous a informés qu'il envisageait de quitter ses fonctions et qu'il accepterait un emploi auprès d'une compagnie nommée Medisys», écrit M. Sormany, dans sa lettre du 20 juin.

Le 25 juin, M. Couillard rendait publique sa décision de quitter la vie politique, après cinq ans à la tête du ministère de la Santé.

«Prétendre aujourd'hui que les nouvelles fonctions de M. Couillard l'amèneront à contrevenir aux règles d'après-mandat qui lui sont applicables ne serait qu'hypothèse et ferait fi de l'intégrité personnelle de M. Couillard», conclut par la suite M. Sormany, dans sa lettre du 18 août.

La semaine dernière, deux députés péquistes ont mis en cause l'intégrité de l'ex-ministre, alléguant qu'il pouvait s'être placé en conflit d'intérêts en passant du public au privé. Bernard Drainville et Stéphane Bédard ont exhorté le Commissaire au lobbyisme à faire enquête.

Dès le mois de juin, M. Sormany blanchissait d'avance l'ex-ministre, en s'appuyant notamment sur des informations fournies par le sous-ministre à la Santé, Roger Paquet, qui, après une «enquête discrète», lui a indiqué que «le ministère n'aurait pas entretenu de rapports avec la firme» en question.

Le sous-ministre a fait état de conversations antérieures avec M. Couillard, au cours desquelles ce dernier lui aurait affirmé ne pas avoir eu de rapports «officiels, directs et importants» avec ses futurs partenaires.

Le secrétaire adjoint à l'éthique a dû aussi vérifier si, dans ses nouvelles fonctions, M. Couillard allait transiger avec le gouvernement, ce qui pourrait l'amener à contrevenir aux règles en vigueur.

A ce propos, M. Paquet rapporte que l'ex-ministre lui a indiqué qu'il jouerait un rôle de «conseiller médical et scientifique dans l'implantation et l'organisation de projets en matière de services de santé», des fonctions «orientées plutôt vers le secteur international».

M. Sormany en conclut que M. Couillard ne contrevient pas à la directive gouvernementale qui stipule qu'un ancien ministre ne doit pas «tirer d'avantages indus» de ses fonctions antérieures, et doit respecter le caractère confidentiel des informations obtenues dans l'exercice de ses fonctions.

La directive, contraignante, impose un moratoire de deux ans aux ministres qui voudraient quitter leurs fonctions et joindre une entreprise avec laquelle ils ont eu des rapports «directs et importants» dans l'année précédant leur départ.

De plus, M. Sormany affirme n'avoir eu «aucune indication» à l'effet que Medisys ou ses dirigeants aient pu s'adonner à des activités de lobbyisme, que ce soit auprès du ministère de la Santé, voire du gouvernement en général.

Une entreprise qui veut influencer les décisions gouvernementales doit absolument s'inscrire au registre des lobbyistes.

Pendant ce temps, le Commissaire au lobbyisme poursuit des vérifications d'usage pour voir s'il y a matière à enquête plus approfondie.