Bertrand Gosselin encaisse le choc plus difficilement que ce qu'il veut bien laisser paraître. Le jovial "Bert" tentait tant bien que mal de camoufler son chagrin en revenant à la maison hier midi.

Bertrand Gosselin encaisse le choc plus difficilement que ce qu'il veut bien laisser paraître. Le jovial "Bert" tentait tant bien que mal de camoufler son chagrin en revenant à la maison hier midi.

"Je pense que j'ai réalisé seulement tout à l'heure ce qui m'arrive vraiment, a-t-il confié. J'en ai pris conscience en ramenant à la station la voiture avec laquelle je travaillais. Il y avait 28 ans que l'on me fournissait un véhicule 12 mois par année, même en vacances. J'ai trouvé ça dur d'accrocher les clés avec celles des autres mobiles de la station..."

Bertrand Gosselin est rentré à la maison dans la voiture de sa blonde, qui a tenu à l'accompagner dans ces moments qu'elle savait particulièrement difficiles pour celui qu'elle aime.

"C'est dur, a reconnu le principal intéressé. Je veux maintenant prendre le temps d'encaisser le coup."

Après 28 ans de carrière à la radio (CHLT devenue 102,1 FM), le journaliste de 71 ans a appris que l'histoire d'amour qu'il entretenait avec cette station était terminée. Que son poste était aboli, Corus ayant décidé de sabrer dans les budgets, lui a-t-on expliqué.

Quand le grand patron du 102,1 FM, Jocelyn Proulx, l'a demandé dans son bureau, il y a quelques semaines, Bertrand Gosselin se doutait bien que ce n'était pas pour le féliciter du texte portant sur sa longue carrière que La Tribune avait publié quelques jours auparavant. Dans ce reportage, il se disait prêt à travailler jusqu'à l'âge de 100 ans à la radio, tellement c'était une tâche qui lui était encore agréable.

"Jocelyn était tellement nerveux quand je suis entré dans son bureau que je me suis douté de quelque chose", explique-t-il.

Le coup de massue n'a pas tardé.

"Corus a décidé de couper le poste de chroniqueur judiciaire à compter du 31 juillet. Question de budget", lui a alors expliqué Jocelyn Proulx.

Bertrand Gosselin dit avoir bien encaissé le choc.

"Je n'étais quand même pas pour me mettre à ruer dans les brancards. Au fond, je m'étais un peu préparé à ça", dit-il.

Pas question de 'bumper'

Puisqu'il est syndiqué, on lui a offert de 'bumper' un plus jeune que lui dans la salle de nouvelles et de reprendre le micro le matin.

"En bout de ligne, c'est un jeune journaliste qui vient d'avoir un enfant et de se construire une maison qui aurait écopé. Il n'était pas question que je fasse cela", confie-t-il.

On lui a présenté une deuxième proposition: quitter avec six mois de salaire avec promesse de rappel au besoin. Pour les "gros dossiers" en période de cotes d'écoute, par exemple.

C'est ce qu'a choisi le vétéran collègue. C'est pourquoi il a dû rapporter sa voiture hier. "Mais j'ai encore des petites choses que j'ai laissées dans mon bureau", précise-t-il, sourire en coin.

Comme il a aussi "oublié" un micro dans la salle de presse où il travaillait quotidiennement au palais de justice de Sherbrooke. Là aussi, on le reverra...

Ce métier, qui fut pour Bertrand Gosselin une vocation tardive, était aussi sa vie. Il est arrivé dans le paysage médiatique estrien dans la quarantaine, au hasard d'une petite annonce parue dans La Tribune qui recherchait un correspondant pour la région de Magog.

"Je venais de passer quatre années dans la région de Montréal à travailler pour une compagnie de chocolat et à faire de la musique à l'Expo 67 avec André Lejeune, le folkloriste", explique ce musicien de talent.

Un jour, un cadre de CHLT radio a remarqué son aisance derrière un micro alors qu'il animait une soirée au cours de laquelle l'orchestre dont il faisait partie faisait également les frais de la musique.

"Curieux de hasard, mais dans la même semaine, j'ai reçu une offre pour travailler à CHLT et une autre pour me joindre à CJRS, les deux grosses stations de l'époque", rappelle-t-il.

Il a opté pour le contrat que lui offrait CHLT sans prendre le temps d'écouter ce que Jean-Luc Mongrain avait à lui offrir comme directeur des programmes à CJRS.

"Plusieurs années plus tard, Jean-Luc m'a dit que j'avais bien fait de ne pas attendre sa proposition et d'accepter celle de son concurrent", rappelle-t-il en riant.

Hier, Bertrand Gosselin n'a fait aucune intervention en ondes. Il n'en fera pas non plus aujourd'hui, ni demain.

"La passion, je l'ai encore pourtant", plaide-t-il.

Mais à 71 ans, il a préféré prendre la sortie plutôt que d'accrocher au détriment de la relève. C'est tout à son honneur.

"J'espère seulement que le téléphone va sonner un jour...", lance-t-il.

On ne peut que le lui souhaiter.