Les policiers ont de plus en plus de difficulté à faire régner l'ordre dans Montréal-Nord et craignent de s'y aventurer, s'inquiètent deux spécialistes en intervention policière.

«Les jeunes ont davantage une attitude de défi et d'attaque envers les policiers, notamment dans ce secteur, croit le criminologue Jean-Paul Brodeur. La règle élémentaire de notre société qui veut que la population consente à être policée est remise en question.»

Il est dangereux pour les agents de police de s'aventurer à Montréal-Nord, et les événements de samedi soir l'ont à nouveau prouvé, soutient l'expert en sécurité publique Robert Poëti. Il craint que, à la suite de l'incident, les policiers diminuent leur présence dans ce secteur, où plus de 3000 infractions criminelles ont été commises l'an dernier, selon le SPVM.

«Les policiers ont peur de s'y aventurer, alors imaginez comment la population doit se sentir», dit l'expert, qui a travaillé à la Sûreté du Québec pendant 28 ans.

Si le policier a ouvert le feu contre les trois jeunes, c'est qu'il sentait que sa vie et celle de sa collègue étaient menacées, croit M. Brodeur. «À quoi l'agent pensait-il quand il a tiré? On ne pense pas à grand-chose dans ces cas-là», dit-il.

«Il a fait un ensemble de gestes mécaniques qui lui ont été transmis lors de son entraînement et qui visait à régler la situation. Dans ces circonstances-là, on n'a pas le temps de délibérer ou d'établir une stratégie. On agit.»

Une semaine difficile

Les prochains jours seront des plus éprouvants pour les deux policiers impliqués dans ce drame, estime M. Poëti. «Ils sont en état de choc. Ils sont humains et sont là pour protéger le citoyen, pas pour lui faire mal.»

Selon M. Brodeur, un «comité de crise» a probablement été mis en place par le SPVM et la SQ. «On va demander à tout le monde d'exposer sa version des faits. Ceux qui ont besoin d'aide vont en obtenir.»

S'il y a eu faute, le policier qui a tiré sur les jeunes hommes pourrait faire face à des mesures disciplinaires internes, ou être poursuivi au criminel ou au civil. «On ignore ce qui va se passer, ce qui va lui être reproché et si l'entourage du jeune homme mort samedi intentera une poursuite contre le SPVM. On saura tout ça dans les prochains jours», croit M. Brodeur.