Après l'épisode des vitres givrées, le YMCA du Parc fait face à un autre cas d'accommodement religieux. L'une de ses sauveteuses, qui est musulmane, travaille vêtue d'un «burkini», sorte de maillot de bain islamique qui ne laisse paraître que le visage, les pieds et les mains.

Amélie (nom fictif) est Québécoise d'origine. Elle s'est convertie à l'islam en septembre dernier. Au début, elle ne portait le voile qu'à l'extérieur du travail. Puis, en décembre, elle a graduellement commencé à couvrir ses cheveux à la piscine. «Je portais un bandeau, histoire d'habituer la clientèle», explique Amélie. Vers la fin avril, elle s'est mise à porter le hijab au travail.

C'est à ce moment que le YMCA a réagi. «Cela nous mettait mal à l'aise parce qu'on y voyait un enjeu de sécurité important», explique Marie-Josée Meilleur, responsable des communications au YMCA du Grand Montréal. Le port du hijab pourrait s'avérer dangereux pour la personne dans l'eau et pour la sauveteuse, qui pourrait s'étrangler avec le foulard, plaide le YMCA. «En situation de panique, une victime a tendance à s'agripper à tout ce qu'elle peut trouver. Et avec l'adrénaline, la force physique peut tripler», explique Mme Meilleur.

Les sauveteurs portent pourtant un t-shirt, objecte Amélie. «On peut même s'accrocher plus facilement à un t-shirt qu'à un hijab», affirme-t-elle. La jeune sauveteuse, qui travaille au YMCA depuis trois ans, dit avoir porté plainte à la Commission des droits de la personne.

Devant l'impasse, le YMCA a demandé conseil à la Société de sauvetage, qui a proposé la solution du burkini. Contraction des mots «burqa» et «bikini», le burkini a été inventé par une Australienne d'origine libanaise, Aheda Zanetti. Depuis son lancement, en janvier 2007, il fait fureur auprès des jeunes musulmanes qui souhaitent pratiquer des sports nautiques. La combinaison de polyester est conçue de façon à ne pas trop mouler le corps. Les cheveux sont complètement dissimulés par une sorte de capuchon.

«Le burkini a été adopté par la Fédération australienne de natation», explique Raynald Hawkins, directeur général de la Société de sauvetage. Le maillot de bain islamique a même reçu la bénédiction du mufti d'Australie, le cheikh Taj Aldin al-Hilali.

La jeune sauveteuse, qui est âgée de 21 ans, a dû faire venir son burkini d'Australie. C'est elle qui l'a payé. Selon le site officiel, on peut se procurer un burkini pour environ 200 $CAN.

Et les plaintes?

Une telle situation ne laisse personne indifférent. «J'ai reçu des insultes et des critiques de la part de la clientèle», raconte Amélie, vêtue de son burkini noir tacheté de rose. Le YMCA concède que la situation choque certaines sensibilités. «Est-ce qu'il y a des gens qui ne sont pas à l'aise? Oui, affirme Mme Meilleur. Mais le YMCA étant un lieu de dialogue, où la notion de respect est très importante, il y a une éducation à faire des deux côtés.»

La plupart des personnes interrogées par La Presse dans les vestiaires ne semblaient pas importunées par la situation. «Ça ne me dérange pas du tout. Tant qu'il n'y a pas de prosélytisme, ça me va», affirme Catherine, jeune Française de 25 ans. Mais une autre nageuse, Nicole, est un peu inquiète. «Quand j'ai vu la sauveteuse pour la première fois, je me suis dit qu'elle ne serait jamais capable de sortir quelqu'un de l'eau habillée de la tête aux pieds. Il paraît que c'est sécuritaire, mais j'ai des doutes», dit-elle.

Rappelons que, en novembre 2006, le YMCA du Parc avait suscité la controverse en acceptant de givrer les fenêtres d'une salle d'entraînement à la demande de la communauté hassidique. Les vitres ont été remplacées par des fenêtres normales munies de stores quelques mois plus tard.