«Depuis le temps que vous attendiez que je prenne ma retraite. Voilà. On y est. Je rentre dans mes terres, cultiver mes vignes Vous me manquerez un peu. Mais pas trop.»

Ce message doux-amer, c'est celui qu'on peut toujours lire en date d'hier sur le blogue de Michel Vastel, un infatigable bourreau de travail. Ces lignes ont été publiées le jour même où le journaliste s'est éteint, chez lui, à Bedford, victime d'un cancer. Il avait 68 ans.

En fait, c'est la rédactrice en chef de L'actualité, Carole Beaulieu, qui a rédigé le mot il y a deux jours. Elle l'a envoyé à Vastel. Ils en ont discuté ensemble au téléphone. «Le jour de la retraite était fixé à aujourd'hui. Et la vie l'a surpris», dit Mme Beaulieu.

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Celui qui a travaillé pour à peu près tous les quotidiens au Québec, en plus de commenter régulièrement l'actualité politique à la radio et à la télé et de produire à intervalles réguliers des textes-fleuves pour le magazine L'actualité, aura, vraiment, travaillé jusqu'à la toute fin.

«Vastel a fait une contribution journalistique phénoménale. On perd un certain modèle de pratique du métier», souligne Carole Beaulieu. En guise d'hommage, le magazine mettra en ligne ses textes les plus marquants.

Michel Vastel est né le 20 mai 1940 à Saint-Pierre-de-Corneille, en Normandie. Jeune, il a participé à la guerre d'Algérie, après quoi il entame une carrière journalistique à Tourcoing, au journal Nord-Éclair. Il prend le chemin du Québec en 1970, l'année de la crise d'Octobre.

Côté frondeur

Au fil d'une carrière productive, il a écrit pour les quotidiens Le Devoir, La Presse, Le Soleil, Le Droit et Le Quotidien de Chicoutimi. Il a aussi travaillé à CKAC et Radio-Canada. Depuis trois ans, il signait une chronique dans le Journal de Montréal. «Il a apporté au journalisme québécois un côté frondeur qu'on voyait plus souvent en Europe dans les débats politiques. Il confrontait constamment les politiciens. Il ne s'est pas fait beaucoup d'amis», souligne Mathieu Turbide, adjoint au directeur de l'information au Journal de Montréal.

Vastel se savait malade depuis un an et demi. Pourtant, jamais il n'a refusé de faire un papier, souligne Mathieu Turbide. «Il était incapable de ne pas travailler. Et il ne parlait jamais de sa maladie.» Le journaliste a signé sa dernière chronique au début de l'été.

Luc Lavoie, vice-président de Quebecor, était très ému par le décès de Vastel, un ami qu'il connaissait depuis 30 ans. «Je manque de mots», a-t-il déclaré, la voix cassée, sur les ondes de LCN.

Journaliste et auteur

En plus d'être omniprésent dans le milieu médiatique québécois, Michel Vastel a aussi signé de nombreuses biographies, notamment celles de Pierre Elliott Trudeau, Robert Bourassa, Lucien Bouchard et Bernard Landry. Son dernier ouvrage a relaté la vie de la chanteuse Nathalie Simard.

«Vastel était un cas d'intégration parfaite au Québec. C'était difficile d'être plus québécois que lui. C'était un journaliste de grande qualité qui avait le mérite d'être honnête», commente l'un de ces «sujets», l'ex-premier ministre du Québec, Bernard Landry.

Mais les politiciens avaient souvent une relation d'amour-haine avec le journaliste, témoigne Gilbert Lavoie, celui qui a été son patron dans deux journaux différents, La Presse et Le Soleil.

«Il bousculait les politiciens. Certains en avaient peur. Il était soit craint, soit courtisé», souligne celui qui est maintenant chroniqueur politique au Soleil. Car Vastel avait cependant un côté très ombrageux, ajoute Gilbert Lavoie. «Je me souviens d'une occasion où j'étais allé le rencontrer parce qu'il avait, comme on dit, sauté une coche, ce qui lui arrivait régulièrement. Il m'avait expliqué que ces colères venaient de son éternelle insécurité. Il avait toujours besoin d'être le premier.»

À Québec et à Ottawa, la classe politique a unanimement salué la carrière de Vastel. «Avec talent, il a analysé et vulgarisé les grands enjeux qui ont modelé la société québécoise au cours des 30 dernières années», a déclaré le premier ministre du Québec, Jean Charest. «Il aimait profondément la politique et voulait la faire découvrir aux gens», a souligné le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont. «C'était un amoureux de la vie», a commenté Pauline Marois, la chef du Parti québécois.

«Michel Vastel nous manquera», a déclaré le maire de Montréal, Gérald Tremblay. «Michel Vastel a profondément marqué la vie politique canadienne», a souligné Stéphane Dion, chef du Parti libéral du Canada. «Pendant 32 ans, il a éclairé brillamment la scène politique canadienne», a commenté le ministre fédéral des Transports, Lawrence Cannon.