Le stratagème de transferts de fonds adopté par les conservateurs lors de la dernière campagne électorale n'avait pas seulement pour objectif l'achat de publicités, a révélé un témoin devant le comité de l'éthique qui étudie les dépenses électorales des conservateurs, mais il s'agissait à son avis aussi d'une façon d'être fin prêt en prévision de la campagne électorale suivante.

En quelques minutes, mardi, Douglas Lowry, agent officiel de la campagne conservatrice de Trinity-Spadina, à Toronto, a attesté la thèse que le stratagème baptisé «in and out» servait aussi à donner un coup de pouce financier aux comtés moins bien nantis, en vue du prochain affrontement électoral.

M. Lowry, qui répète être convaincu d'avoir agi en tout respect des règles, a candidement expliqué le stratagème de transferts de fonds. Lors de la campagne de 2006, le Parti conservateur a versé des sommes totalisant 1,3 million $ dans 67 circonscriptions électorales qui n'allaient pas atteindre leur plafond de dépenses permises par la loi.

Aussitôt versé, l'argent retournait dans les coffres du parti pour permettre l'achat de publicités. Les dépenses étaient toutefois portées au dossier du candidat qui, s'il obtenait au moins 10 pour cent des votes, pouvait obtenir un remboursement de 60 pour cent de ses dépenses.

«Nous avons suivi les règles, nous avons pris en compte les intérêts à long terme de tous les comtés au Canada et, si un comté peut obtenir son 10 pour cent, on sera plus compétitif», a fait valoir le militant de longue date qui préside aussi le comté de Trinity-Spadina.

Dans le cas de ce comté de Toronto, c'est 50 000 $ que le Parti conservateur a transféré et repris rapidement. Si leur candidat avait obtenu au moins 10 pour cent des votes, l'association de comté aurait alors reçu environ 30 000 $ en remboursement.

«Une part de la victoire vient de l'argent», a admis M. Lowry.

Ce témoignage tranche avec ceux entendus depuis le début des audiences du comité puisque M. Lowry est un fervent militant conservateur. Les témoins entendus jusqu'à présent ne font plus parti de la famille conservatrice et n'hésitent pas à dénoncer les agissements des conservateurs ce qui n'est pas le cas de M. Lowry qui défend les décisions de son parti.

Sa version des faits a fait tiquer les députés des partis d'opposition.

«Si M. Lowry croit sincèrement qu'il est correct de verser un tas d'argent dans un compte de banque, de le retirer rapidement et ensuite de facturer les contribuables pour 60 pour cent (de la somme), alors il y a quelque chose qui cloche dans la façon que les conservateurs voient les choses», a déclaré le député néo-démocrate, Pat Martin.

Douglas Lowry a fait un autre «cadeau» aux partis d'opposition en affirmant que le Parti conservateur tentait de dissuader ses militants de répondre positivement à l'invitation du comité. Il a jeté une douche froide du côté conservateur lorsqu'il a révélé que des employés du Parti conservateur lui avaient dit ne pas être «très emballés» à l'idée qu'il témoigne.

«Ils m'ont dit que je n'avais pas besoin de témoigner», a lâché le militant conservateur, qui n'a pas écouté ce conseil qu'il considère comme «idiot».

Malgré ces déclarations, les conservateurs ont maintenu qu'aucun mot d'ordre n'a été lancé. «Personne, au quartier général du parti, n'a dit à quiconque de ne pas se présenter», a insisté le député conservateur Gary Goodyear.

La volonté du parti a semblé avoir cependant son effet sur d'autres témoins attendus mardi. En matinée, les quatre témoins inscrits à l'ordre du jour étaient invisibles. En après-midi, deux autres étaient absents.

Dans tous les cas, il s'agit d'agents officiels de candidats conservateurs élus, dont celui de la ministre du Patrimoine Josée Verner, et ceux des députés Sylvie Boucher, Daniel Petit et Luc Harvey.

Au moins trois témoins invités ont aussi mentionné au greffier au comité que le parti préférait qu'ils refusent de se prêter à l'exercice.

Pour forcer la main aux plus récalcitrants, le président du comité, Paul Szabo, avait émis des citations à comparaître qui ont été simplement ignorées.

De l'avis de M. Szabo, il ne fait aucun doute que le Parti conservateur tente d'imposer le silence à ses militants. «C'est très sérieux, ça relève de l'ingérence auprès des témoins», a soutenu le président du comité.

Le comité dispose de quelques mesures un peu plus convaincantes pour forcer les témoins à comparaître, mais reste à voir si les députés décideront de donner suite à tout cela.