Après 20 ans comme journaliste à la radio anglaise de Radio-Canada, Anne Lagacé Dowson vient de quitter la profession pour se lancer en politique. Il y a un peu plus d'un an, Christine St-Pierre et Bernard Drainville faisaient également le saut, comme l'ont fait auparavant Jean-Pierre Charbonneau et René Lévesque. Si le journalisme mène parfois à la politique, ceux qui font le saut savent que c'est un aller sans retour...

Lors de ses premières conférences de presse en tant que député péquiste, Bernard Drainville avait tendance à tutoyer les journalistes qui l'interrogeaient. Christine St-Pierre, ministre de la Culture, était tellement nerveuse de se faire questionner par ses anciens collègues qu'elle hésitait sans cesse.

Visiblement, pour d'anciens journalistes, enfiler le costume de politicien peut s'avérer difficile au début. Dans ce cas, qu'est-ce qui pousse certains reporters à quitter une profession dans laquelle ils se sentent à l'aise pour se lancer dans l'arène politique?

«Il n'est pas anormal qu'un jour tu aies le goût de parler de tes convictions, au lieu de rapporter celles des autres. Quand tu es journaliste, tu dois laisser la part de citoyen en toi chez toi», précise l'ex-animateur de La part des choses à RDI, Bernard Drainville pour expliquer sa décision.

«Les journalistes ont la capacité de faire la part des choses entre leurs convictions personnelles et leur devoir de réserve, poursuit-il. Mais quand tu rentres à la maison, tu continues à réfléchir.»

Anne Lagacé Dowson, qui vient de quitter récemment le micro de sa tribune quotidienne de Radio Noon, sur les ondes de CBC, abonde dans son sens. «Tout en étant non partisan en ondes, on vit en société», souligne la candidate du Nouveau Parti démocratique (NPD) en vue des élections partielles du 8 septembre dans la circonscription montréalaise de Westmount–Ville-Marie. «On peut être neutre dans notre couverture, mais on ne peut pas ne pas être affectés, estime Mme Lagacé Dowson. À un moment donné, il faut prendre position.»

Toutefois, selon elle, journalisme et politique ne sont pas deux mondes diamétralement opposés. Elle voit même un lien entre les deux professions. «Les journalistes ont souvent un grand sens de la justice.»

Nouveaux défis

Aussi, certains reporters décident de «sauter la clôture» parce qu'ils ont l'impression d'avoir fait le tour du jardin et ils sont à la recherche de nouveaux défis. Une carrière en politique est donc perçue comme une opportunité intéressante. «Ça faisait plusieurs années que j'étais dans le milieu, se rappelle Christine St-Pierre, qui a notamment été correspondante pour Radio-Canada à Washington et sur la colline parlementaire à Ottawa. J'avais pas mal atteint tout mes objectifs.»

À 26 ans, alors qu'il avait été journaliste au Devoir et à La Presse, l'ex-député péquiste Jean-Pierre Charbonneau sentait lui aussi le besoin de passer à autre chose. Nous étions alors en 1976 et le Québec vivait plusieurs changements politiques. «J'avais le goût de mettre la main à la pâte, dit-il. J'avais le goût de participer à l'aventure de faire un pays.»

Mais en prenant cette décision, souvent longuement réfléchie, réalisent-ils qu'ils ne pourront probablement pas revenir au journalisme par la suite? «À partir du moment où tu es coloré politiquement, tu ne peux pas revenir au journalisme. Je pense que je pourrais faire du journalisme international», croit-il néanmoins.

Christine St-Pierre, elle, a tourné la page pour de bon. «Je ne désirerais plus être reporter, affirme-t-elle catégoriquement. J'ai beaucoup aimé ça. Ça m'a passionné mais je n'y retournerais pas.»