Environnementalistes et Inuits se battent pour doubler la superficie de ce qui deviendra le plus vaste parc national du Québec. Ils demandent que le futur parc des Lacs-Guillaume-Delisle-et-à-L'Eau-claire, près de la baie d'Hudson, inclue le territoire entourant la rivière Nastapoka, un joyau naturel que lorgne Hydro-Québec pour d'éventuels projets hydroélectriques.

En avril, Québec a publié un plan directeur qui propose les limites du nouveau parc. Il s'étendrait sur 15 549 km2 - plus de 30 fois la superficie de l'île de Montréal. Il comprendrait le lac Guillaume-Delisle, une vaste étendue d'eau qui communique avec la baie d'Hudson et dans laquelle pénètrent phoques et bélugas. À l'est, on trouverait le lac à l'Eau-claire, composé de deux bassins circulaires créés par un double impact météorique.

Ce secteur du Grand Nord est célèbre pour ses falaises de roches sédimentaires - appelées cuestas - qui atteignent des hauteurs de 400 m. Si la proposition est adoptée telle quelle, ce parc national sera le plus grand de la province.

Mais c'est ce que le plan ne contient pas qui sème la controverse. Juste au nord du futur parc, on trouve une autre splendeur naturelle, la rivière Nastapoka. Ce cours d'eau parsemé de chutes et de rapides prend sa source au lac des Loups-marins, l'un des rares plans d'eau douce au monde où l'on peut apercevoir des phoques.

«La proposition originale, qui émanait du ministère de l'Environnement et des locaux, en 2006, c'était que le parc inclue la Nastapoka, affirme John O'Driscoll, président de la Société pour la nature et les parcs du Canada. Quand les gens d'Hydro-Québec ont eu vent de cela, ils s'y sont opposés.»

Dans un mémoire présenté le mois dernier à l'occasion d'une consultation publique, la société d'État ne cache pas son intérêt pour l'exploitation hydroélectrique de la rivière. Hydro-Québec affirme avoir eu de nombreux échanges avec les ministères de l'Environnement et des Ressources naturelles dans le but d'exclure le secteur nord du parc et de permettre l'éventuel aménagement de la rivière Nastapoka.

Hydro affirme que sa position est «préventive» et qu'elle souhaite «préserver, pour les générations futures, la possibilité de développer le potentiel hydroélectrique du Nord québécois». Elle estime que la construction de barrages sur la Nastapoka pourrait générer 1000 mégawatts.

Si le chantier est mis en branle, la société d'État prévient qu'elle devra construire des routes d'accès et des pylônes électriques dans le parc national.

Contestation

La nouvelle carte du parc, qui exclut la rivière, a été vivement contestée lors des récentes audiences publiques. Le maire d'Umiujaq, une petite communauté de 415 habitants située en bordure du futur parc, fait partie des opposants. «La Nastapoka, c'est notre terrain de chasse, résume Robbie Tookalook, joint à son domicile hier. Il y a des bélugas, beaucoup de poissons, des caribous.»

Comme lui, plusieurs Inuits craignent de voir Hydro-Québec construire des barrages dans le secteur. Ils ont reçu l'appui des écologistes, mais aussi de scientifiques. Michel Allard, directeur du Centre d'études nordiques de l'Université Laval, s'insurge contre la version réduite du parc. «À notre avis, le plan directeur provisoire ne développe pas une argumentation claire et fondée sur des motifs solides de conservation écologique pour justifier cette exclusion, écrit-il dans son mémoire. Le texte ne fait que mentionner que le parc projeté sera le plus vaste au Québec.»