La démission en bloc de trois médecins spécialisés dans le traitement des cancers gynécologiques à Terre-Neuve pourrait envoyer une onde de choc au Québec, voire au Canada entier. C'est la mise en garde que font les gynécologues oncologues d'ici, qui craignent de voir des dizaines de patientes terre-neuviennes venir allonger chez nous des listes d'attente déjà trop longues.

L'affaire a commencé mardi, lorsque les trois seules gynécologues oncologues de Terre-Neuve ont démissionné pour contester leurs salaires - les plus bas au Canada - et réclamer de meilleures conditions de travail. Il y a deux mois, le gouvernement conservateur de Danny Williams avait consenti d'importantes augmentations à certains spécialistes, mais pas à elles.

À moins d'une entente de dernière minute avec la province, elles quitteront leurs fonctions le 7 octobre, laissant 1200 patientes sans médecin.

En désespoir de cause, le ministre de la Santé de Terre-Neuvien, Ross Wiseman, a promis de remuer ciel et terre pour recruter trois nouveaux gynécologues oncologues, faute de quoi il s'engage à faire traiter les patientes à l'extérieur, quitte à les transporter par avion.

Inquiétude

Cette annonce inquiète les spécialistes québécois, qui craignent de voir des dizaines de nouvelles patientes débarquer dans leurs cabinets alors qu'ils sont déjà débordés.

«Les listes d'attente dans les provinces les plus proches, dont le Québec, sont déjà très longues», prévient la Dre Marie Plante, présidente de la Société canadienne des gynécologues oncologues.

«Ça ne réglera pas le problème, ajoute la médecin, qui pratique à l'Hôtel-Dieu de Québec. On va juste le pelleter.»

Le Québec compte 13 médecins formés expressément pour traiter les cancers gynécologiques, comme celui du col de l'utérus ou de l'ovaire. Deux sont sur le point de prendre leur retraite. Au Canada, on ne trouve qu'une soixantaine de ces praticiens hautement spécialisés.

Actuellement, une patiente québécoise doit attendre entre deux et quatre semaines avant d'être opérée par un gynécologue oncologue. Un délai plus long pourrait compromettre ses chances de survie.

«Nous sommes déjà complètement submergés, affirme le Dr Walter Gotlieb. Nous sommes déjà en manque au Québec. Nous ne pourrons pas aider les gens de Terre-Neuve, ce serait aberrant.»

Le Dr Gottlieb est l'un des deux gynécologues oncologues qui pratiquent à l'Hôpital général juif de Montréal. En moyenne, cette petite équipe consulte, traite et opère environ 30 patientes chaque jour.

Déjà aux prises avec d'importants problèmes de recrutement, les spécialistes voient difficilement comment notre système de santé pourrait absorber de nouvelles patientes. D'autant plus que, avec le vieillissement de la population, le nombre de Québécoises atteintes du cancer grimpera en flèche.

«On prévoit que, en 2014, le nombre de patientes atteintes de cancers gynécologiques qu'on va traiter va augmenter de 50%», indique Walter Gotlieb.

Les médecins québécois ne sont pas les seuls à s'inquiéter. «Je ne peux pas imaginer un seul endroit au Canada où il y aura de la place, tranche la directrice de l'association Cancer de l'ovaire du Canada, Elisabeth Ross. Le système est déjà rempli à capacité.»

Pire, craint cet organisme de bienfaisance, Terre-Neuve pourrait provoquer un jeu de coude interprovincial en tentant de recruter ces rares spécialistes chez ses voisins.

Aucune demande

Le ministère québécois de la Santé ne ferme pas la porte aux patientes de Terre-Neuve. Mais il n'a encore reçu aucune demande de la part de cette province. «Chose certaine, ça ne se fera jamais au détriment des patientes de chez nous», affirme la porte-parole du ministre Yves Bolduc, Marie-Ève Bédard.