Depuis une dizaine d'années, la listériose frappe durement le monde développé. Le nombre de cas a doublé dans plusieurs pays européens, tout comme aux États-Unis à la fin des années 90.

Plus tôt cette année, des mathématiciens et épidémiologistes israéliens ont avancé une explication simple: l'Occident devient trop propre et les enfants ne développent plus, comme avant, des anticorps contre la bactérie Listeria monocytogenes, responsable de la listériose. Incorporant les théories médicales dans des modèles mathématiques sophistiqués, les chercheurs de l'Université Bar-Ilan ont conclu, dans la revue Epidemiology, que le monde était trop propre.

Cette «théorie de la propreté», déjà proposée pour expliquer la montée de l'asthme et des allergies alimentaires, a reçu un aval prudent de certains spécialistes. Entre autres, un chercheur américain qui travaille à un vaccin anti-listériose pense que l'exposition à Listeria monocytogenes durant l'enfance peut protéger durant quelques décennies.

«L'explosion de la listériose est surtout due à la popularité des repas préparés qu'il suffit de réchauffer au micro-ondes», explique Don Liu, microbiologiste à l'Université d'État du Missouri, en entrevue téléphonique. «Mais il est certain que l'exposition non mortelle protège. Si notre vaccin fonctionnait, il faudrait probablement plusieurs rappels durant la vie. Et le financement pour les maladies liées aux intoxications alimentaires est ténu. Alors nos recherches sont difficiles.»

Pour parer à tout, M. Liu tente de voir s'il pourrait profiter des extraordinaires capacités de la bactérie à pénétrer les cellules humaines pour y amener des médicaments ou d'autres vaccins - avec des versions génétiquement modifiées de Listeria monocytogenes. «Seulement quatre des treize sous-types de la bactérie peuvent rendre l'humain malade, et un seul est responsable de la moitié des cas de listériose, dit M. Liu. Mais cette dernière est vraiment remarquable. Elle résiste assez bien aux températures élevées et aux nettoyants.»

Heureusement, il y a peu de risque que la capacité de ce sous-type de résister aux efforts des usines agroalimentaires augmente. «La résistance aux antibiotiques augmente chez certaines bactéries présentes dans les hôpitaux parce que les populations y sont essentiellement concentrées, dit M. Liu. Dans le cas de Listeria monocytogenes, elle est si répandue que si une bactérie parvient à développer la capacité de résister à la chaleur, elle est noyée dans une mer de bactéries ordinaires.»

Selon les chiffres fournis par les autorités médicales canadiennes, le Canada est moins touché par la listériose que d'autres pays occidentaux, avec deux cas par million de population par année. Aux États-Unis, le nombre de cas a chuté de six à trois par million de population entre 2000 et 2003. Et en Europe, plusieurs pays ont rapporté des augmentations de 50% à 100% depuis une dizaine d'années.