La contrebande de tabac actuellement en progression dans les réserves autochtones est d'une autre nature que celle qui a eu cours au début des années 90, a indiqué la GRC hier.

Une déclaration sous serment produite en 2004 dans le cadre de l'enquête policière sur Imperial Tobacco fait état d'un stratagème mis sur pied par l'entreprise pour contourner les taxes et maximiser ses profits lorsque gouvernements fédéral et provinciaux ont intensifié la lutte contre le tabagisme, il y a une quinzaine d'années.

Dans le cas des cigarettes Player's, par exemple, le document parle d'une entente conclue avec l'entreprise Philip Morris, fabricante des célèbres Marlboro. Imperial exportait de larges quantités de cigarettes au sud de la frontière, dans des entrepôts hors taxes de l'État de New York. Le produit passait d'Imperial à Phillip Morris, qui le remettait à une autre entreprise, qui le remettait à une autre, et ainsi de suite, jusqu'à ce que les cigarettes se retrouvent en territoire mohawk.

«Les co-conspirateurs se sont entendus pour vendre des milliards de cigarettes à quelques distributeurs américains afin qu'ils les revendent à des clients sur la réserve de St-Regis/Akwesasne et que les cigarettes soient par la suite réintroduites en contrebande au Canada», relate un agent de la GRC dans une déclaration sous serment produite au soutien d'une requête pour obtenir un mandat de perquisition chez Imperial, à Montréal.

La réserve de St-Regis/Akwesasne chevauche la frontière canado-américaine. Les produits peuvent donc facilement être acheminés au Canada pour y être redistribués.

Entre 1985 et 1994, les exportations des cigarettiers canadiens sont passées de 2,8% à 23,4%. «Il était de notoriété publique, pour Imperial Tobacco comme pour plusieurs autres, que la majorité des produits du tabac canadiens exportés et vendus aux États-Unis étaient réintroduits en contrebande au Canada», ont écrit les procureurs Richard Starck et France Beauchamp, dans la procédure déposée hier à la Cour du Québec.

En 1993 et 1994, les trois quarts des cigarettes fumées au Québec provenaient de la contrebande. Durant la même période, le gouvernement de la province a signalé des pertes de plus de 500 millions de dollars. C'est à ce moment-là, en février 1994, qu'Ottawa et Québec ont entrepris de baisser de près de 50% les taxes sur les produits du tabac. Entre 1985 et 1994, le prix d'une cartouche était passé de 17 à 52$.

Un problème différent

La GRC et le gouvernement Harper ont annoncé il y a quelques mois leur stratégie pour lutter contre la contrebande, qui a repris de plus belle dans les réserves depuis quelques années. Parmi les sommes que paieront les cigarettiers, une partie ira d'ailleurs à ce programme.

Mais le problème actuel n'est plus le même, a indiqué hier le commissaire adjoint de la GRC, Mike Cabana. «La situation présente a complètement changé. On ne regarde plus le même type de criminalité. Aujourd'hui, ce sont surtout des cigarettes produites à l'extérieur du pays qui sont apportées et vendues au pays de façon illégale.»

Lors du lancement de sa stratégie, la GRC avait aussi fait valoir que la contrebande de cigarettes était aujourd'hui le fait du crime organisé. Plus de 100 groupes criminels seraient impliqués dans ces opérations, qui servent à financer d'autres activités criminelles.