Une nouvelle guerre impliquant les motards pourrait être à nos portes. La mise en liberté des criminels arrêtés lors de l'opération Printemps 2001 inquiète les policiers, qui craignent que leur sortie de prison provoque des affrontements avec les gangs de rue.

Pendant que le Service canadien des renseignements criminels dévoilait hier son portrait annuel du crime organisé, l'équivalent québécois de cet organisme a lancé une sévère mise en garde. Son directeur général, Robert Chartrand, estime que les rafles qui ont décapité les Hells Angels sont en partie à l'origine de l'essor des gangs de rue. Or, plusieurs criminels arrêtés en 2001 devraient retrouver leur liberté d'ici cinq ans.

«Il est clair que les gens qui ont pris de l'expansion ne voudront pas revenir à leur rôle antérieur», a souligné M. Chartrand, un haut dirigeant du SPVM.

Jusqu'ici, a-t-il poursuivi, les motards qui ont quitté la prison ne se sont pas attaqués aux autres groupes criminels. Mais la donne pourrait changer lorsque leurs dirigeants se retrouveront à l'air libre. «On anticipe que, lorsque les gros joueurs vont revenir sur le terrain, il risque d'y avoir certains meetings, certains échanges», a ajouté M. Chartrand.

Les heurts qui ont opposé le gang des Bloods à la mafia italienne, le mois dernier, pourraient être un avant-goût des violences à venir. La mafia avait proposé un règlement pour le partage d'un territoire de vente de drogues, mais les Bloods n'ont rien voulu savoir. L'affrontement s'est soldé par trois fusillades qui ont fait cinq victimes en deux heures, dans des cafés italiens du nord de la ville.

Rappelons que la guerre entre les Hells Angels et leurs rivaux des Rock Machine a fait environ 150 morts, dans les années 90.

Montréal: un pôle

Le SCRC a recensé environ 900 groupes criminels au Canada. Le Grand Montréal est l'un des trois principaux pôles du crime organisé au Canada, avec la région de Vancouver et le sud de l'Ontario.

Même si le trafic de drogue demeure le commerce de prédilection de ces organisations - c'est là qu'elles réalisent 80% de leurs revenus -, leurs activités se diversifient. Les opérations de fraude par marketing rapporteraient 500 millions par année au crime organisé. Les vols d'identité ont fait 10 000 victimes déclarées en 2007. Et des groupes utilisent des appareils de pointe pour manipuler le marché boursier.

Le trafic d'organes, le passage de clandestins aux frontières et les crimes contre l'environnement (voir texte ci-dessous) sont les autres secteurs d'activités des groupes criminels.

Le chef du SPVM, Yvan Delorme, s'est dit particulièrement préoccupé par les gangs de rue, qui ont été responsables de 54 des 99 tentatives de meurtre commises à Montréal l'an dernier. Le chiffre a semblé baisser pendant les premiers mois de 2008: en date du 20 juin, cinq des 11 tentatives de meurtre étaient le fait d'un gang.

«Les arrestations dans les gangs de rue majeurs sont fréquentes, a fait valoir M. Delorme. On travaille fort sur ces éléments-là. Et on a eu des records d'arrestations avec les gangs émergents.»

N'empêche, l'émeute qui a embrasé Montréal-Nord il y a deux semaines a de nouveau braqué les projecteurs sur le phénomène. «Ce qu'on voit de plus en plus, c'est une association d'affaires entre différents gangs de rue et des souches plus importantes de crime organisé», a expliqué Steven Chabot, directeur adjoint de la SQ et président de l'Association canadienne des chefs de police.

M. Delorme a indiqué que ses troupes cherchaient de nouveaux moyens pour éviter que les jeunes se joignent à ces groupes. «Ça prend beaucoup de moyens, beaucoup de temps, beaucoup de partenariats pour en arriver à un point où les jeunes vont trouver la voie légale plus facile que la voie illégale», a-t-il souligné.