Les conservateurs ont beau continuer de soutenir le contraire, le directeur général des élections (DGE), Marc Mayrand, maintient qu'ils sont les seuls à avoir usé d'un stratagème électoral contournant les règles en place et qui a mené le commissaire aux élections à procéder à une perquisition au quartier général du parti.

Commentant publiquement pour la première fois ce dossier, mardi devant une commission parlementaire, M. Mayrand a expliqué qu'Élections Canada a conclu que quelque chose n'était pas très clair dans le cas de 67 candidats conservateurs qui ont procédé à des transferts de dépenses avec leur maison mère, des transferts totalisant environ 1,3 million $. L'argent a servi à défrayer les coûts de publicités nationales des conservateurs lors de la dernière campagne électorale.

Le stratagème aurait pu permettre au Parti conservateur de dépasser le plafond des dépenses électorales permises de plus d'un million de dollars.

Devant le comité parlementaire de l'éthique réuni spécialement pour étudier la question, M. Mayrand s'est montré prudent afin, a-t-il expliqué, de ne pas porter préjudice à la poursuite civile en Cour fédérale et à l'enquête que mène le commissaire aux élections, William Corbett.

Le DGE a rappelé la séquence des événements qui ont mis la puce à l'oreille de son bureau et a dressé une liste des cinq facteurs qui l'ont poussé à refuser de rembourser les dépenses électorales de ces candidats conservateurs et à référer le dossier au commissaire Corbett.

Selon M. Mayrand, c'est la déclaration d'un agent officiel qui disait n'avoir aucune information sur l'achat des publicités qui a d'abord alerté Elections Canada. L'organisme n'a pu que constater, entre autres, que la documentation soumise était insuffisante; que le Parti conservateur avait mené les arrangements au nom des candidats et que les factures avaient été envoyées au parti; et que les transferts monétaires étaient continuellement sous le contrôle du parti.

Devant la situation, le DGE a demandé à son personnel de réviser les dossiers de tous les candidats, de tous les partis, pour l'élection de janvier 2006 ainsi que celle de juin 2004.

«Élections Canada n'a pas identifié d'autres transactions ou groupe de transactions où ces (cinq) facteurs étaient présents», a déclaré M. Mayrand, qui place par conséquent le blâme uniquement sur les conservateurs.

Plutôt que de faire taire les conservateurs, cette déclaration les a piqués au vif. «Il a tort», a résumé le député conservateur Pierre Poilievre, à l'issue de la rencontre, reprenant l'argument de son parti qui accuse Élections Canada d'impartialité à son égard, dans toute cette affaire.

Pendant les cinq heures qu'a duré cette séance du comité, les députés conservateurs ont continué à chercher des faiblesses dans le dossier du DGE et à faire apparaître des failles dans son argumentaire. En plus de dénoncer ce qu'ils considèrent comme un acharnement envers un seul parti politique, les conservateurs ont fait valoir que les cinq facteurs à la base de la décision de M. Mayrand ne s'appuyaient sur rien.

«Nous avons eu un nouvel argument juridique de la part d'Élections Canada qui semble changer régulièrement sa position. Essayer de résumer la position légale d'Élections Canada, c'est comme essayer de faire tenir du Jello sur un mur», a illustré M. Poilievre.

L'opposition a réduit en miettes cette interprétation. Selon le néo-démocrate Thomas Mulcair, les explications offertes par le DGE déboutent un à un les arguments des conservateurs.

«La série d'arguments proposée par les conservateurs pour justifier ce qu'ils ont fait est en train de tomber. C'est un écran de fumée», a soutenu M. Mulcair, au terme de la rencontre du comité.

Lors de l'élection de 2006, le Parti conservateur a transféré des milliers de dollars dans les comptes bancaires de 67 candidats, de l'argent qui était aussitôt retourné à la maison mère pour l'achat de publicités nationales. Les dépenses ont été imputées aux candidats même si ces derniers, ainsi que les agents officiels, n'avaient rien à dire et savaient à peine de quoi il en retournait.

Ce stratagème, nommé «in and out» à cause des transferts d'argent, aurait permis au parti d'excéder de 1,3 million $ le plafond de dépenses allouées en vertu de la loi électorale.

Les conservateurs contestent cette interprétation et tentent d'obtenir gain de cause devant les tribunaux. Ils font valoir que tous les partis agissent de cette façon.

Les députés conservateurs ont aussi longuement interrogé M. Mayrand sur la perquisition menée en avril dernier, reprenant l'allégation comme quoi il y aurait eu une fuite pour alerter les médias de la présence des policiers de la Gendarmerie royale du Canada au quartier général des conservateurs.

Devant ces allégations lancées dès avril dernier, M. Mayrand a expliqué qu'Elections Canada a mené une vérification interne qui a fait la démonstration qu'aucune fuite ne s'était produite au sein de l'organisme.

Malgré tout, les conservateurs entendent faire adopter une motion, mercredi, pour que le DGE mène une enquête indépendante sur cette prétendue fuite. Le comité devra aussi se pencher sur trois motions des conservateurs qui veulent faire témoigner un ancien candidat bloquiste à l'élection de 2000 afin de faire la démonstration que tous les partis agissent de la même façon lorsqu'ils transfèrent des fonds aux candidats.