L'association qui représente les médecins canadiens fustige le ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, pour avoir mis en doute le sens de l'éthique des médecins favorables aux centres d'injection supervisée pour les toxicomanes.

Parlant du centre d'injection supervisée InSite, à Vancouver, M. Clement, qui s'adressait à l'assemblée annuelle de l'Association médicale canadienne, lundi à Montréal, a soutenu que «déjà, des gens disent que ces centres ne sont pas suffisants, que le gouvernement devrait distribuer de l'héroïne gratuitement».

«D'autres réclament des chambres d'inhalation pour les gens qui fument leur drogue. Bien que j'appuie plusieurs aspects de l'approche de réduction des méfaits, je crois que nous devons tirer la ligne quelque part (...). Est-ce éthique, pour des professionnels de la santé, de soutenir l'administration de drogues (...)? Dans tout autre contexte médical, ce serait considéré comme un manque flagrant de professionnalisme.» Il a qualifié de «profondément troublantes» les implications éthiques des centres d'injection supervisée.

Mais le président de l'AMC, le docteur Brian Day, lui a répliqué en déclarant que 79 pour cent de ses membres sont favorables aux centres d'injection supervisée et aux programmes de réduction des méfaits de la drogue. Selon M. Day, ces centres, qui permettent à des toxicomanes de s'injecter leur drogue sous supervision médicale, ont réussi à freiner l'usage illégal de drogue et à ralentir la propagation de maladies.

Après le discours du ministre, M. Day a ajouté devant des journalistes que son association s'insurge contre le fait que M. Clement mette en doute l'éthique des médecins impliqués dans la réduction des méfaits. Il a estimé que le ministre se servait de cet enjeu à des fins politiques.

Pendant la période des questions au congrès, la présidente du comité d'éthique de l'AMC, Bonnie Cham, a accusé le ministre d'invoquer l'éthique pour justifier une décision politique.

InSite a ouvert ses portes en 2003 grâce à une exemption à la loi fédérale sur les drogues. Le gouvernement conservateur en appelle d'un jugement de la Cour suprême de Colombie-Britannique qui invalidait des sections de cette loi, parce que celles-ci empêchaient InSite de fonctionner. La cause sera entendue en Cour d'appel de Colombie-Britannique en avril 2009.

Depuis la décision de la Cour suprême de la province, le ministre Clement a ouvertement attaqué InSite. Il soutient que le centre InSite n'a pas fait grand chose pour réduire les décès dus à des surdoses de drogue, parce que la plupart des stupéfiants sont toujours consommés «dans les ruelles et les motels miteux».

«Nous devons faire davantage pour rejoindre nos fils et nos filles qui font des surdoses (...) a-t-il dit. Ils ont besoin de notre compassion et de notre intervention, pas simplement d'aide pour se piquer.»