Le premier ministre Stephen Harper pourrait payer cher son absence aux cérémonies d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, selon l'ex-premier ministre Jean Chrétien.

Lui-même n'aurait pas «hésité une seconde» à se rendre à Pékin pour participer à cet événement, s'il était toujours premier ministre, a-t-il indiqué, en point de presse, lundi matin, en marge d'une allocution prononcée devant les membres de l'Association du barreau canadien.

M. Harper n'a jamais dit pourquoi il avait choisi de ne pas se rendre à Pékin à cette occasion, ni ce qu'il a fait ce jour-là, le vendredi 8 août. Lundi, questionné une fois de plus sur le sujet, son porte-parole a refusé d'en dire davantage.

Compte tenu de l'importance économique et démographique de la Chine dans le monde, M. Harper aurait dû être de la fête, a ajouté M. Chrétien, en se vantant d'avoir pour sa part toujours entretenu de très bonnes relations avec la Chine quand il dirigeait le gouvernement.

«Dans 50 ans, ce sera la plus grande économie au monde» avec une population de 1,3 milliard d'individus, a-t-il plaidé, pour justifier sa position.

Plusieurs leaders du monde occidental étaient présents aux cérémonies d'ouverture - dont le président des États-Unis et celui de la France -, mais d'autres en étaient absents, comme le premier ministre britannique, Gordon Brown.

Au cabinet du premier ministre Harper, on réplique que durant la décennie où il a dirigé le gouvernement, M. Chrétien n'a assisté qu'à une seule cérémonie d'ouverture sur six olympiades.

Quoi qu'il en soit, le fait que la Chine ne soit pas un pays démocratique ne devrait pas non plus influencer la décision des chefs de gouvernements de participer ou non à ce type d'événements, selon lui.

«On fait affaire avec l'Arabie saoudite et ce n'est pas une très grande démocratie», a-t-il fait valoir, jugeant que la Chine avait fait beaucoup de progrès ces dernières années en matière de respect des droits humains.

L'ex-premier ministre libéral est d'avis que depuis que les conservateurs sont au pouvoir les relations entre son pays et la Chine, sur le plan des échanges économiques, se sont grandement détériorées, au point où le Canada ne pèserait plus très lourd dans la balance.

«Comme Canadien, je déplore qu'on ait perdu notre position», a-t-il ajouté, estimant que le Canada était rendu «en bas de l'échelle» des pays avec lesquels la Chine voulait conclure des affaires.

«Demandez à n'importe lequel homme d'affaires qui va en Chine, et il va vous le dire», selon M. Chrétien, qui, à 74 ans, n'a rien perdu de son franc-parler.

Pour manifester son mécontentement, la Chine pourrait bien, par exemple, a-t-il laissé entendre, cesser d'acheter des produits en provenance du Canada.

Durant le point de presse, l'ex-premier ministre a épilogué longuement sur le sujet, tout en affirmant qu'il ne voulait pas «se mêler de politique actuelle».

Le fait que M. Harper se soit affiché en octobre dernier aux côtés du Dalaï-lama, chef spirituel tibétain en exil, n'a pas contribué, selon lui, à réchauffer l'atmosphère.

Le geste avait froissé les autorités chinoises, au point d'amener l'ambassade de Chine à Ottawa à affirmer que cela allait «sérieusement menacer les relations» entre les deux pays.

«On avait bâti quelque chose qui a été débâti, a conclu M. Chrétien. On ne peut pas dire que c'est bon.»