Le chef libéral Stéphane Dion a entrouvert la porte, hier, à la possibilité d'élections générales à l'automne.

En tournée dans l'Est ontarien afin de promouvoir son plan de lutte contre les changements climatiques, le Tournant vert, M. Dion a reconnu que l'idée d'élections générales était «dans l'air plus qu'avant».

Le chef de l'opposition a toujours été extrêmement prudent sur cette question, préférant repousser l'échéance électorale suffisamment loin pour lui permettre de se préparer et de préparer convenablement son parti à la grande bataille. À plusieurs reprises, son parti a manoeuvré aux Communes pour ne pas faire tomber le gouvernement conservateur, malgré des désaccords fondamentaux.

Alors qu'il passe l'été à faire la tournée des barbecues pour vendre son plan vert de lutte contre les changements climatiques aux Canadiens, M. Dion a carrément changé de ton hier à Kanata, laissant poindre son désir d'en débattre très bientôt avec le premier ministre Stephen Harper.

«À l'automne dernier, a-t-il dit aux journalistes, les Canadiens ne souhaitaient pas des élections générales. Ils n'en voulaient pas. Or, nous avons vu, au cours de l'hiver et du printemps, plus d'intérêt et plus d'appétit pour des élections.»

M. Dion a déclaré que les Canadiens en savent maintenant assez sur le gouvernement Harper et sur la solution de rechange «progressiste» que les libéraux proposent pour aller aux urnes.

D'autres sources libérales bien informées ont d'ailleurs confirmé à La Presse hier que des élections à l'automne étaient un scénario très plausible. D'autant plus qu'un congrès national est prévu à Vancouver au début du mois de décembre, ce qui permettrait de réaffirmer le leadership de Stéphane Dion - ou de le remplacer.

«Le plan de match est clair depuis que le plan vert a été dévoilé, a confié l'une de ces sources à La Presse. Le chef commence par sa tournée d'été pour le vendre. Puis, à l'automne, dépendamment des circonstances et des jeux parlementaires, il pourrait faire tomber le gouvernement avec une motion de défiance, probablement sur l'environnement et l'économie.»

Du côté de l'opposition, le Bloc québécois et le NPD ont accueilli le changement de ton de M. Dion avec dérision, étant donné que les libéraux ont jusqu'ici tout fait pour empêcher le gouvernement de tomber. «En plein milieu de l'été, les libéraux dégèlent. Parfait. On va voir ce qui va se passer à l'automne», a lancé l'organisateur du Bloc, Mario Laframboise.

Tous s'entendent pour dire que l'issue des élections partielles qui auront lieu en septembre dans trois circonscriptions - dont deux dans la région de Montréal - sera déterminante pour l'avenir du présent gouvernement, sans compter que le Parti libéral doit obtenir l'appui des deux autres partis de l'opposition s'il veut déclencher des élections.

Le NPD se dit prêt à des élections générales, peu importe les résultats des élections partielles. Mais le député d'Outremont, Thomas Mulcair, croit qu'on ne peut en dire autant du Bloc québécois. «M. Duceppe a beau bomber le torse, lorsque viendra le temps, j'ai hâte de voir. Il est en chute libre dans les sondages.»

M. Laframboise a pour sa part refusé de s'avancer. «Sur l'Afghanistan, nous étions prêts à y aller, a-t-il rappelé. Sur l'environnement, notre position n'est pas la même que celle des libéraux. Probablement que leur motion va porter sur l'environnement... Cela va dépendre de ce qui va être déposé.»

Le premier ministre doit annoncer d'ici la fin de la semaine la date des élections partielles. Certains s'attendent à ce qu'elles aient lieu autour du 7 septembre. Les circonscriptions visées sont Saint-Lambert, laissée vacante par le bloquiste Maka Kotto; Westmount-Ville-Marie, à la suite du départ de la libérale Lucienne Robillard, et Guelph, dans le sud de l'Ontario.

M. Dion avait d'ailleurs déjà le ton électoral hier en reprochant au gouvernement Harper son absence de stratégie dans les domaines de l'environnement, de l'économie et de la justice sociale. Il a aussi affirmé que les Canadiens en avaient assez du style d'un gouvernement qui attaque l'une des institutions les plus respectées à travers le monde, Élection Canada. «Le premier ministre devrait plutôt s'expliquer sur les pratiques de son parti lors des dernières élections générales», a ajouté le chef libéral.

Deux options pour défaire le gouvernement

Deux principales options s'offrent au Parti libéral s'il souhaite défaire le gouvernement Harper à l'automne. Leur succès n'est cependant pas garanti.

Les troupes de Stéphane Dion peuvent présenter une motion de défiance qui stipulerait, par exemple, que la Chambre des communes n'a plus confiance dans le gouvernement pour des raisons environnementales, économiques ou autres.

Si le gouvernement Harper décidait de proroger la session parlementaire et de prononcer le discours du trône au début d'une nouvelle session - possiblement en octobre - le PLC pourrait alors voter contre ce discours.

Dans les deux cas, le Parti libéral devra obtenir l'appui des deux autres partis de l'opposition pour parvenir à ses fins. S'il n'a pas ces appuis, ou que ces scénarios ne se concrétisent pas, le gouvernement pourrait alors survivre jusqu'au prochain budget. Le premier vote de confiance susceptible d'entraîner la chute du gouvernement aurait alors lieu au printemps 2009.... À peine quelques mois avant la date d'élections déjà arrêtée par le premier ministre Harper.