Le Parti conservateur tentera de se tirer d'embarras en contre-attaquant le Bloc québécois, demain, aux audiences d'un comité des Communes qui se penchera sur les allégations de dépenses frauduleuses des troupes de Stephen Harper aux dernières élections.

La Presse a appris que le PC présentera trois motions réclamant la comparution d'un ancien député, Jean-Paul Marchand, de l'ancienne agente officielle du parti et d'une firme de publicité montréalaise. Il souhaite les faire témoigner relativement à des mouvements de fonds entre les associations locales et les instances nationales du parti pour l'achat de publicités aux élections de 2000.

Les conservateurs espèrent ainsi prouver qu'ils ne sont pas les seuls à faire de tels virements de fonds.

Le directeur général des élections, Marc Mayrand, et son directeur des services juridiques, François Bernier, doivent comparaître demain et mercredi.

Le PC est engagé dans une guerre judiciaire contre Élections Canada. L'organe fédéral l'accuse d'avoir contourné les règles aux élections générales de 2006 en mettant sur pied un système de virement de fonds qui lui a permis de dépenser plus que la limite prévue par la loi. Ces fonds servaient à acheter de la publicité.

Les troupes de Stephen Harper nient cette interprétation. Mais l'opposition a décidé de tirer les choses au clair. Le Bloc québécois, le Parti libéral et le NPD tentent sans succès d'enquêter sur ce stratagème dit du in and out depuis plusieurs mois au comité sur l'éthique. Jusqu'ici, les députés du parti conservateur ont réussi à les en empêcher en faisant de l'obstruction systématique.

Trois témoins

Les députés de Stephen Harper tenteront donc mardi de faire adopter trois motions: la première pour appeler à témoigner l'ex-candidat et ex-député bloquiste de Québec-Est, Jean-Paul Marchand.

Les deux autres pour que comparaissent une ancienne agente officielle du parti, Lorraine Godin, l'agente officielle actuelle, Janine Boileau, de même que des représentants de la firme Touché Marketing.

Publicités à caractère national

Les conservateurs souhaitent voir et discuter des publicités à caractère national faites pour le Bloc québécois durant la campagne de 2000. Alors député et candidat dans la circonscription de Québec-Est, M. Marchand avait signé avec le Bloc une entente dans laquelle il s'engageait à dépenser au moins 66 565$ durant la campagne.

Il devait aussi payer 12 000$ à la firme Touché Marketing pour des publicités «à caractère national».

En vertu de cette entente, il était tenu de verser au Bloc québécois les remboursements d'Élections Canada, qui équivalaient à 50% de ses dépenses électorales.

Il devait aussi payer une certaine somme s'il n'atteignait pas la cible des 66 565$.

Selon les conservateurs, la technique, étendue à l'ensemble des candidats, a permis au Bloc de soustraire de ses bilans près d'un million de dollars en publicité nationale, en plus d'empocher un maximum en remboursement de dépenses électorales.

Or, au terme des élections, qu'il a perdues, Jean-Paul Marchand a refusé de payer les sommes qu'il devait au Bloc, lequel l'a poursuivi pour 36 000$.

M. Marchand s'est défendu en disant que l'entente était contraire à l'ordre public et à la loi électorale puisque son but était de financer le parti à même les fonds publics grâce à la technique «entrée-sortie».

La Cour supérieure en a décidé autrement. Dans un jugement rendu le 21 novembre 2003, elle a déclaré que l'entente respectait les règles d'Élections Canada ainsi que l'ordre public. Elle a condamné Jean-Paul Marchand à rembourser 16 362$ au Bloc québécois.

Le PC résolu

Malgré cette décision, et malgré le fait que le Commissaire aux élections n'ait jamais condamné le Bloc dans cette affaire, le Parti conservateur compte aller de l'avant avec ses trois motions.

«Cela démontre que tous les partis se sont livrés à des pratiques semblables et qu'il est inapproprié de ne cibler que le Parti conservateur», a plaidé le porte-parole Ryan Sparrow.