Le dossier d'Omar Khadr ternit la réputation du Canada, ont dénoncé des manifestants rassemblés vendredi devant les bureaux de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié au centre-ville de Montréal.

Des militants de plusieurs organismes de défense des droits de la personne ont uni leur voix pour demander le rapatriement immédiat du jeune Omar Khadr, toujours détenu à la base américaine de Guantanamo, à Cuba.

Selon eux, ce citoyen canadien qui n'avait que 15 ans lorsqu'il a été arrêté par les Etats-Unis devrait pouvoir être jugé dans son propre pays. Washington l'accuse d'avoir lancé une grenade qui aurait tué un Américain, en Afghanistan, en 2002.

L'un des organisateurs de l'événement, Mohamed S. Kamel, du Forum musulman canadien, a déploré le refus du gouvernement conservateur d'intervenir en faveur d'Omar Khadr.

«Il y a un problème: un enfant est à Guantanamo depuis six ans. Je ne pense pas que le gouvernement du Canada ait fait son travail», a-t-il indiqué, ajoutant que tout pays avait le devoir de protéger ses citoyens.

Le premier ministre Stephen Harper a déjà fait savoir qu'il entendait simplement laisser les procédures judiciaires entreprises à l'encontre de Khadr suivre leur cours.

L'homme, aujourd'hui âgé de 21 ans, est pourtant l'unique citoyen d'un pays occidental à ne pas avoir été rapatrié pour être jugé dans son pays d'origine.

Image ternie

Des représentants d'Amnistie internationale, de la formation politique Québec solidaire et du groupe Parole arabe étaient notamment présents lors de cet événement qui a réuni plusieurs dizaines de militants.

Certains étaient venus tout simplement parce que l'histoire de ce garçon né à Toronto, embrigadé, puis enfermé pendant toutes ces années, les avait touché.

«Que fait Stephen Harper de cet enfant? Et que ferait-il si c'était le sien?», a demandé Ginette Guionnet, une mère de famille qui commence tout juste à s'investir dans les milieux militants.

Elle affirme avoir été interpellée par la vidéo rendue publique récemment de l'interrogatoire de l'accusé par les agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à Guantanamo, en 2003. On y voyait le jeune homme pleurer et évoquer des traitements assimilables à de la torture.

Cette vidéo en a touché plus d'un et serait responsable en partie de la soudaine mobilisation de l'opinion publique en faveur du jeune homme, croit la directrice générale de la division canadienne francophone d'Amnistie internationale, Béatrice Vaugrante.

«On en est à près de 20 000 Canadiens qui ont signé les pétitions pour rapatrier Omar Khadr», a-t-elle indiqué.

«Je pense que les Canadiens sont très mals à l'aise de voir ce gouvernement faire des brèches importantes dans le respect des droits humains», a-t-elle poursuivi.

Pour le porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, les dommages que font le dossier d'Omar Khadr à la réputation du Canada ne sont peut-être pas réversibles.

«Tous les alliés des Américains ont de différentes manières exprimé le fait que Guantanamo était inacceptable (...). Il ne reste plus que M. Harper qui continue de nier», a déploré le médecin.

En vertu du droit international, Omar Khadr est considéré enfant-soldat.

«Pourquoi ça concernerait les enfants qui sont en Ouganda et pas Omar Khadr?

C'est le même cas d'un gamin victime qui s'est fait embrigadé», a rappelé Mme Vaugrante.

Mobilisation pancanadienne

D'autres manifestations du genre étaient prévues au cours des prochains jours à travers le Canada, dont à Toronto et à Ottawa samedi, et à Vancouver, mercredi.

Vendredi, à Toronto, une coalition de cinq organismes, dont la Fédération canado-arabe, l'Église unie du Canada et le Conseil des Canadiens, ont exhorté en conférence de presse le premier ministre à agir.

«Le Canada pourrait se retrouver devant la Commission des droits de l'homme de l'ONU à se défendre et à défendre le fait qu'il ne respecte pas ses propres conventions et traités lorsque vient le temps de protéger les enfants-soldats», a prévenu le président de la Fédération canado-arabe, Mohamed Boudjenane.

Les organismes de soutien à Omar Khadr disent ne pas vouloir baisser les bras et être prêts à poser d'autres gestes pour convaincre le gouvernement de l'urgence d'agir.