L'arrestation de l'ancien leader des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, et sa comparution devant un tribunal international à La Haye représentent une victoire pour plusieurs Canadiens qui ont été intimement touchés par la guerre ethnique et religieuse qui a suivi l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie.

Au coeur des accusations de crimes contre l'humanité qui pèsent contre Karadzic se trouve le massacre d'environ 8000 Musulmans de Bosnie à Srebrenica en juillet 1995, après que la ville soit tombée entre les mains des Serbes de Bosnie.

Les Serbes de Bosnie avaient aussi pris en otage 55 Casques bleus canadiens, qu'ils avaient utilisés comme boucliers humains contre un éventuel bombardement aérien par l'OTAN pendant les derniers moment du conflit.

La photo du capitaine Patrick Rechner, enchaîné à un paratonnerre, avait alors clairement démontré que cette mission de maintien de la paix n'avait rien d'ordinaire.

Et des Canadiens comme Rechner, qui ont été des témoins de premier plan du déroulement de la guerre, pourraient éventuellement être convoqués comme témoins au cours du procès de Karadzic, selon le professeur Walter Dorn, du Royal Military College and Canadian Forces College.

«Nous avions un nombre élevé de gens qui étaient bien placés pour voir les atrocités qui se produisaient en Bosnie, a-t-il dit. On accordera beaucoup d'attention à Srebrenica, mais il y a aussi plusieurs autres choses dont Karadzic devrait être tenu responsable. Les Canadiens ont été des témoins directs d'un nettoyage ethnique généralisé.»

Le rôle du Canada depuis la fin de la guerre pourrait aussi être important, puisque plusieurs Canadiens ont contribué à documenter qu'un génocide s'est bel et bien produit à Srebrenica et ailleurs.

«L'implication des Canadiens dans l'analyse des restes est énorme, a dit le docteur Mark Skinner, un anthropologue légiste qui a travaillé en Bosnie. Mon rôle pendant cette période a essentiellement été de surveiller l'exhumation des fosses communes, dont certaines étaient évidemment associées à Srebrenica, et d'autres fosses communes.»

Au Lukavac Reassociation Centre près de Tuzla, en Bosnie, des experts dirigés par une autre Canadienne, l'anthropologue légiste Cheryl Katmarzyk, essaient toujours d'identifier et d'associer des restes humains du massacre de Srebrenica.

Jusqu'à présent, dit Mme Katmarzyk, le centre a développé une identification génétique de 5000 hommes et garçons.

«À ce jour, nous avons excavé et examiné 23 fosses communes secondaires associées à une exécution, a-t-elle expliqué. Nous savons que plusieurs autres fosses doivent encore être exhumées.»

Le centre est géré par la International Commission for Missing Persons. Une demi douzaine de Canadiens travaillent pour la commission et le centre, où des experts essaient de préserver les éléments de preuve en vue de futurs procès pour crimes de guerre. La tâche est d'autant plus ardue que les restes ont fréquemment été éparpillés sur plusieurs sites, pour compliquer toute enquête ultérieure.

Des centaines de policiers canadiens ont aussi participé volontairement à la reconstruction du système judiciaire bosniaque après la guerre.