Le premier ministre Stephen Harper va un peu vite en besogne lorsqu'il soutient que le gouvernement conservateur n'a d'autre choix que de laisser les Américains interroger et juger le jeune Canadien Omar Khadr, selon les avocats du détenu.

«Le premier ministre, par le biais des membres de son cabinet, en particulier (Peter) MacKay, a longtemps affirmé qu'ils avaient été assurés qu'Omar Khadr était bien traité. Mais en fait, le gouvernement canadien savait très bien que ce n'était pas le cas», a affirmé Dennis Edney, l'avocat canadien de Khadr, en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, depuis Edmonton.

M. Harper a tenté, jeudi, de distancier son gouvernement des nouveaux documents explosifs rendus publics cette semaine par le ministère des Affaires étrangères.

Les documents ont démontré que les autorités canadiennes savaient que l'armée américaine privait Khadr de sommeil pendant des semaines, pour le rendre plus vulnérable en interrogatoire, en 2004. Selon un des rapports, Khadr, âgé à l'époque de 17 ans, était déplacé toutes les trois heures, pendant 21 jours.

Khadr est accusé d'avoir tué un soldat américain en Afghanistan. Il a été capturé en 2002, à la suite d'un échange de coups de feu avec des soldats américains, en Afghanistan. Il avait 15 ans lors du meurtre présumé.

Stephen Harper a affirmé que le gouvernement libéral précédent était au courant du traitement que subissait Khadr à Guantanamo Bay, mais qu'il n'a rien fait.

«Le gouvernement précédent a pris en compte toute l'information lorsqu'il a décidé de la façon de procéder avec le cas de Khadr, il y a plusieurs années», a souligné M. Harper.

«Le Canada s'est assuré que M. Khadr, sous notre gouvernement, sera traité humainement. Nous surveillons attentivement les procédures judiciaires», a-t-il ajouté.

M. Harper se trouvait jeudi à Tokyo, où il a rencontré l'empereur et le premier ministre du pays.

Les défenseurs des droits de la personne, des députés de l'opposition et les barreaux britanniques ont tous poussé les conservateurs de Stephen Harper à prendre des mesures d'urgence pour garantir la libération de Khadr.

Ils accusent les conservateurs d'être hypocrites en refusant de défendre Khadr tout en dénonçant le non-respect des droits de la personne en Chine et ailleurs dans le monde.

Le Bloc québécois a également réagi aux propos de Stephen Harper, jeudi, par voie de communiqué.

La porte-parole adjointe du Bloc québécois en matière d'affaires étrangères, Johanne Deschamps, a elle aussi dénoncé l'entêtement du gouvernement conservateur à prétendre qu'il ne savait rien du traitement de Khadr à Guantanamo Bay.

«Que le gouvernement refuse de rapatrier Omar Khadr, malgré le consensus qui existe sur cette question, c'est une chose; qu'il induise la population en erreur, à répétition, en affirmant qu'il ne savait rien des pratiques de torture qu'a dû subir l'adolescent, voilà qui est d'un cynisme absolument immoral», a-t-elle soutenu.

Mme Labelle a également reproché au gouvernement canadien de se plier devant son voisin du sud, en laissant Khadr être traité comme un adulte alors qu'en vertu du droit international, il s'agit d'un enfant soldat.

«C'est pourtant ce que font les autorités américaines à l'égard d'Omar Khadr, avec l'assentiment tacite de ce gouvernement qui s'écrase docilement devant les intérêts américains, plutôt que de défendre ses citoyens», a-t-elle ajouté.

L'avocat militaire américain de Khadr, le lieutenant de la Marine William Kuebler, a accusé le gouvernement canadien de sciemment se servir de fausses garanties des autorités américaines quant au traitement de Khadr pour permettre qu'il reste détenu à Cuba.

M. Kuebler a également annoncé que des entrevues filmées de Khadr devraient être rendues publiques d'ici la semaine prochaine, dont il prédit que le contenu sera «assez puissant».

Khadr est natif de Toronto, et il est le fils d'un présumé financier d'al-Qaïda.