«Je lui voulais du bien, à cet homme-là. Aujourd'hui, je ne veux pas lui en vouloir. Je ne veux pas ressentir de la rancune.»

Rencontrée hier après-midi dans son logement de Pointe-aux-Trembles, la mère de Mélissa Beaudin parle d'une toute petite voix. Hélène Proulx connaissait Richard Bérard, le présumé assassin de sa fille.

L'homme de 44 ans a été accusé hier de la séquestration, de l'enlèvement et du meurtre prémédité de Mélissa Beaudin, 17 ans. Il est le père d'Alexandre, l'ami de coeur de Mélissa.

«Malgré tout ce qu'il a pu faire, je ne veux pas lui en vouloir, souffle l'infirmière de 54 ans, vêtue d'une large chemise rose et d'un pantalon en coton ouaté gris. Je ne veux pas.»

«Je crois aux anges, je crois qu'il y a une force qu'on ne voit pas, poursuit la grande croyante, d'une voix tremblante. Il y a du positif partout, et c'est comme ça que je vais passer à travers ce qui m'arrive. Je n'ai pas le choix.»

Hélène Proulx a rencontré Richard Bérard pour la première fois le printemps dernier, quelques mois après que sa fille eut commencé à fréquenter Alexandre, 19 ans. Il était venu souper chez elle avec ce dernier et ses trois autres jeunes enfants.

«Je ne comprends pas, dit la mère de la victime. Il était tellement gentil avec ses enfants. Il les appelait ses amours.» Hélène Proulx savait que Bérard avait fait de la prison. Mais on lui avait dit que c'était pour des contraventions impayées. En fait, le nouveau beau-père de sa fille avait été accusé des voies de fait et de séquestration, entre autres choses.

«Je ne le savais pas», répète doucement Hélène Proulx, qui n'entend pas suivre le procès. «Ça servirait à quoi de connaître les détails ? demande-t-elle. Je veux seulement que Méli repose en paix.»

Mélissa Beaudin est née à Le Gardeur, non loin de Repentigny. Lorsqu'elle avait 2 ans, sa mère et son frère aîné, Marc, ont déménagé à Pointe-aux-Trembles. Son père, qu'elle voyait encore souvent, habite aujourd'hui Montréal-Nord.

«Mélissa était toujours entourée d'amis», raconte sa mère, en feuilletant les albums photo de sa fille sur la table de la cuisine. Des visages jeunes et souriants se succèdent de page en page.

Hélène Proulx décrit sa fille unique comme une enfant enjouée et énergique qui adorait par dessus tout les animaux. Elle avait d'ailleurs un petit chien à la maison. «Mais c'était aussi une enfant qui manquait d'assurance, qui ne savait pas se projeter dans l'avenir», explique sa maman.

Mélissa a étudié à l'école secondaire Daniel-Johnson, mais elle a décroché l'année dernière, indique sa mère. Elle a tenté un retour à l'école des adultes en septembre, mais elle a abandonné rapidement.

Depuis, Mélissa était à la recherche d'un emploi et passait le plus clair de son temps dans sa chambre avec Alexandre. La pièce sombre est décorée d'affiches d'extraterrestres et d'un grand drapeau jamaïcain.

De temps en temps, Mélissa allait aussi à Yamaska pour garder les trois jeunes enfants de Richard Bérard. La dernière fois qu'Hélène Proulx l'a vue s'y rendre, c'était lundi dernier. Elle n'est jamais revenue.

Depuis, les dures nouvelles se sont enchaînées. Mercredi, le corps de sa fille a été retrouvé dans un boisé de Yamaska. Richard Bérard a été arrêté le jour même, puis accusé, hier.

Hélène Proulx ne reste pas seule pour vivre son deuil. Ses nombreuses soeurs se succèdent pour lui tenir compagnie. «Mes proches ont peur que je me fasse du mal.»

Un ami d'Alexandre est venu la voir, le soir même de la découverte du corps, pour s'assurer qu'elle allait bien. Voyant qu'elle ne répondait pas, il a enfoncé la porte, inquiet. «Mais je ne me ferai pas de mal, assure Hélène Proulx. Je ne veux pas répondre à la violence par la violence.»

Elle n'en veut pas à Alexandre, que Mélissa avait rencontré il y a une dizaine de mois par des amis communs. «Il aimait ma fille, il la protégeait.»

Et Hélène Proulx réitère qu'elle espère ne pas en vouloir à l'accusé. Avant de partir, La Presse lui a demandé si elle en serait capable. «Je ne sais pas, a-t-elle répondu, en refoulant un sanglot. Je ne sais pas.»