Les coûts liés à la cause de Mohamed Harkat dépassent les 850 000$, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Cette somme, qu'Ottawa a pris soin de ne pas détailler, s'ajoute aux millions dépensés jusqu'ici pour tenter d'expulser les cinq hommes visés par un certificat de sécurité.

Le gouvernement fédéral a arrêté Mohamed Harkat en 2002. Il a été relâché sous des conditions strictes en 2006. On accuse ce résidant d'Ottawa de 36 ans d'être un agent dormant d'Al-Qaeda.

Les 850 000$ dévoilés dans des documents hautement censurés réfèrent à des services fournis par le ministère de la Justice à d'autres entités fédérales, comme le Service canadien de renseignement de sécurité.

On ignore quels services sont visés : le Ministère a invoqué le «secret professionnel des avocats» pour refuser d'en dévoiler même les grandes lignes. On peut cependant présumer qu'ils ne touchent que des actes judiciaires, comme de la recherche juridique ou de la rédaction de procédure, et non de la détention ou de la surveillance, puisqu'elles relèvent d'autres entités fédérales.

«Ça me paraît peu élevé», a tout de même jugé Sophie Harkat, conjointe de l'accusé. Selon cette ancienne fonctionnaire, les avocats du gouvernement sont payés cher et multiplient les représentations. «Cela m'étonnerait que ces 850 000$ incluent toute la préparation de dossiers», a-t-elle ajouté lors d'un entretien téléphonique.

Le comité Justice pour Mohamed Harkat, dont elle fait partie, tente depuis un certain temps d'obtenir tous les coûts liés aux poursuites, à la surveillance et à la détention, mais sans succès. Mme Harkat souligne que son mari faisait l'objet des conditions de mise en liberté les plus strictes, parmi les cinq hommes visés par un certificat de sécurité au Canada. Ces conditions incluent la surveillance constante par deux agents, un couvre-feu entre 8h et 23h, un bracelet GPS et des caméras de sécurité placées à l'avant et à l'arrière de leur résidence.

«Mais ce n'est pas seulement les frais monétaires dont il faut tenir compte... C'est aussi le prix que les familles ont à payer», a-t-elle renchéri.

Des frais qui s'ajoutent

Le Montréalais Adil Charkaoui, lui aussi visé par un certificat de sécurité, a eu la même réaction, en mai, lorsque le ministère de la Justice a divulgué des infirmations semblables à son égard. Dans son cas, on parlait d'un peu plus de 1 million de dollars.

Le même mois, des documents obtenus par un chercheur de l'Université de York ont montré que le gouvernement payait 2 millions par année pour gérer le centre de détention spécial de Kingston. Or, une seule personne y est emprisonnée : Hassan Almrei, le seul du groupe de cinq à être toujours détenu.

Le mois précédent, en avril, d'autres documents obtenus par La Presse ont révélé que l'Agence des services frontaliers avait dépensé 850 000$ pour surveiller le Montréalais Adil Charkaoui, de mai 2003 à mars 2007.

Et le compteur continue à tourner : le gouvernement fédéral a dû réintroduire de nouveaux certificats de sécurité, après que les premiers eurent été jugés inconstitutionnels par la Cour suprême. Mohamed Harkat doit donc retourner en Cour fédérale en septembre, pour reprendre le processus à zéro.

«Ce n'est pas seulement un article qu'il faut écrire là-dessus, c'est plusieurs, a lancé Sophie Harkat. Jusqu'à ce que les Canadiens réalisent qu'ils ne veulent pas que leurs dollars soient investis dans ces choses-là.»

Le ministère de la Justice n'a pas répondu aux questions de La Presse.