Dix-sept chefs d'accusations de fraude, de fabrication de faux, de pratique illégale du droit et d'entrave à la justice ont été déposés mardi contre l'ex-agent officiel du nouveau ministre des Travaux publics, Christian Paradis.

Stéphane Fortin, 27 ans, a été responsable de la comptabilité de la campagne 2005-2006 du député de Mégantic-L'Érable, jusqu'à ce qu'il soit congédié, moins de 30 jours après le scrutin du 23 janvier 2006, pour «incompétence».

Mais selon les informations recueillies par La Presse, les faits reprochés à M. Fortin ne seraient pas liés à ses fonctions politiques. C'est plutôt comme avocat, ou en se faisant passer comme tel, qu'il aurait ainsi contrevenu à plusieurs règles du Code criminel.

Le dossier d'accusation déposé au palais de justice de Thetford Mines révèle que le jeune homme a fabriqué plusieurs faux documents, dont un chèque, un jugement, un mandat d'aide juridique et une déclaration sous serment.

Certains des chefs d'accusation renvoient à la période où l'accusé était toujours agent officiel et même à l'emploi du cabinet Paradis Dionne&Avocats, la firme fondée par le père de Christian Paradis et où il travaillait lui-même jusqu'à son élection. Fait intéressant, c'est durant cette période qu'il s'est fait passer pour un avocat, alors qu'il n'était pas dûment inscrit au tableau de l'ordre professionnel.

Dans l'un des cas visés par les chefs d'accusation, M. Fortin a monté un scénario de toute pièce, par lequel il a inventé un avocat pour la partie adverse, fait croire à ses clients que leur dossier était réglé, et lui-même forgé un faux chèque en guise de faux règlement. Cette situation est survenue en octobre 2006, soit après son congédiement de la campagne par Christian Paradis, vers février 2006, et par la firme Paradis Dionne, en juin 2006.

Au mois de novembre dernier, le comité de discipline du Barreau du Québec a radié Stéphane Fortin pour une durée de neuf ans, précisément en rapport à ce scénario rocambolesque. «Toutes ces représentations de la part de l'intimé n'étaient que fumisterie, ont constaté les membres du comité. L'intimé a, sur une période de quatre mois et demi, menti à sa cliente à 15 occasions». Le comité n'a pas réussi à expliquer ces actions.

«Incompétence»

Des sources conservatrices qui n'ont pas voulu être identifiées ont affirmé à La Presse hier que les accusations déposées au palais de justice de Thetford Mines n'étaient pas liées à la campagne de M. Paradis, et que M. Fortin avait été congédié pour incompétence, et non pour fraude.

«Après le scrutin, on a 30 jours pour émettre une déclaration à Élections Canada, a expliqué un proche collaborateur du ministre. Dans ces 30 jours-là, il a commencé à y avoir des signes d'incompétence flagrante de la part de l'agent officiel. C'est à ce moment-là, voyant le délai de 30 jours approcher, que Christian Paradis a congédié M. Fortin et l'a remplacé.»

Cette source au bureau de M. Paradis n'a pas précisé quels manquements avaient été reprochés au jeune homme. Elle n'a pas non plus été en mesure de dire de quelle façon la comptabilité de la campagne avait été affectée par «l'incompétence» de son agent officiel.

M. Fortin doit comparaître le 25 septembre prochain à Thetford Mines.

Mauvais moment

Ces nouveaux développements arrivent à un bien mauvais moment pour le nouveau ministre des Travaux publics. Récemment, son nom a été mentionné dans un document déposé à la Cour fédérale dans la cause qui oppose le Parti conservateur à Élections Canada, dans l'affaire des dépenses électorales irrégulières, ou le stratagème dit du «in and out».

Les partis d'opposition, qui voudraient bien lui demander des comptes sur son implication, l'ont placé sur une liste de témoins à entendre dans le cadre de l'étude du dossier par le comité parlementaire de l'éthique. Ce comité reprend ses audiences le 11 août.

Par ailleurs, le Bloc québécois et le NPD ont demandé mardi à M. Paradis de se retirer du comité chargé d'examiner les candidatures pour le poste vacant de juge à la Cour suprême. Le NPD croit justement que son implication dans le dossier du «in and out» le place en conflit d'intérêts.

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