Depuis son déplacement de Kaboul vers Kandahar, la mission canadienne en Afghanistan a coûté cher en vies humaines. Elle s'est aussi traduite par un plus grand nombre de cas de problèmes psychologiques, affirment les experts en santé des Forces armées.

«Nous n'avons pas de chiffres précis, mais nous savons que le taux de problèmes de santé mentale au camp Julien était nettement inférieur à celui enregistré depuis que nous avons été redéployés à Kandahar», indique en entrevue le Dr Mark Zamorski, chef de la section santé des troupes en déploiement des Forces canadiennes.

Le camp Julien est la base canadienne établie à Kaboul, la capitale afghane, de 2003 à la fin de 2005. Les soldats y menaient une mission de stabilisation et de patrouille. Depuis leur arrivée à Kandahar, au début de 2006, ils sont quotidiennement engagés dans de furieux combats contre les talibans et autres insurgés.

C'est aussi à la suite de ce déplacement qu'ils ont perdu plus de 80 des 89 soldats tués depuis le début de la mission, en janvier 2002. Pour le Dr Zamorski, il fallait s'attendre à une augmentation du stress compte tenu de la réalité très différente de la nouvelle mission.

«Les soldats engagés dans des zones de combat font face à des éléments de stress très significatifs. Et cela a des conséquences sur leur santé mentale», dit la brigadière-générale Hilary Jaeger, médecin-chef du Service de santé des Forces canadiennes.

L'armée porte de plus en plus d'attention aux problèmes de santé mentale. Elle se félicite de constater qu'environ 85% des soldats revenant de mission n'éprouvent aucun problème. Les 15% restants éprouvent l'un ou l'autre des symptômes suivants: dépression majeure, dépression mineure, pensées suicidaires, anxiété, panique, syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

En avril 2008, 6383 militaires revenus d'Afghanistan entre trois et six mois plus tôt ont rempli un questionnaire sur la santé mentale. Au total, 6,5% d'entre eux (415 personnes) souffraient de SSPT ou de dépression majeure.

Missions et alcool

Plus tôt cette semaine, Statistique Canada a rendu publics les résultats d'une vaste enquête menée en 2002 auprès des soldats canadiens. Un des principaux constats était que les militaires canadiens déployés pendant plus de 12 mois risquent beaucoup plus de devenir alcooliques que leurs camarades dont la mission à l'étranger dure moins de six mois.»

Le médecin-chef Jaeger rappelle que ces résultats datent de quelques années. «De plus, nous faisons en sorte que les missions durent moins de 12 mois. Un soldat déployé durant un an constitue l'exception», dit-elle.

Reconnaissant l'importance de lutter de façon accrue contre les problèmes de santé mentale dans les Forces armées, Ottawa avait annoncé, en 2004, l'investissement de 98 millions de dollars pour l'embauche de 218 spécialistes de la question. Le but: faire passer à 447 le nombre de médecins, psychiatres, psychologiques, infirmières, travailleurs sociaux et autres spécialistes s'occupant à temps plein de santé mentale.

L'objectif est d'atteindre ce nombre à la fin de mars 2009. «Pour le moment, nous sommes encore à environ 75 personnes de l'objectif, dit le médecin-chef Jaeger. Nous continuons à recruter et aussi à former du personnel militaire à l'interne.»