Entre la France et le Québec existe toujours un malaise mal surmonté. Après la Conquête de 1760, on a longtemps attendu le retour de la France. Quand on a compris que la France ne reviendrait pas, l'appel déchirant qui saigne dans notre première littérature s'est mué en une sorte de ressentiment cristallisé dans le cliché de l'abandon.

Pour avoir été abandonné par quelques gouvernements de la France, peut-on en induire une séparation d'avec la France? Nous étions nous-mêmes la France d'ici. On ne s'abandonne pas soi-même. La France est une réalité historique et culturelle qui transcende l'Hexagone, et inclut le Québec.

Après le traité de Paris, l'élite est retournée en France. Notre peuple ainsi décapité s'est trouvé réduit à la culture populaire, largement orale, analphabète, pendant un siècle et demi. Un ressentiment s'est peu à peu installé en nous contre la culture savante, au point que ses formes nous sont devenues suspectes, plus ou moins identifiées à la France infidèle. D'où cette pratique tapageuse de l'accent dit québécois et d'une langue fruste, le refus plus ou moins avoué de récupérer la culture savante et de la pratiquer.

Un seul remède à la pauvreté si souvent déplorée de notre langue. L'étude suivie et complète de la littérature française. Il ne s'agit pas d'une entreprise coloniale, mais du moyen de rendre notre langue capable d'exprimer, sur le plan universel, le Québec original que nous sommes devenus.