Chaque jour, dans le monde, des milliers de chercheurs travaillent à la mise au point de médicaments et d'un vaccin pour les personnes atteintes du sida. Richard Gold, de l'Université McGill, souhaite quant à lui rapprocher les gens dans le but de rendre les médicaments contre le sida accessibles aux pays défavorisés. Alors que débute aujourd'hui la 17e Conférence internationale sur le sida à Mexico, et pour saluer ce pas en avant, La Presse et Radio-Canada lui décernent le titre de Personnalité de la semaine.

Le 11 juillet, UNITAID, un organisme membre de l'Organisation mondiale de la santé, a annoncé qu'il instaurerait une communauté de brevets afin de fournir des médicaments antirétroviraux aux pays pauvres. Des compagnies pharmaceutiques mettront ainsi la concurrence de côté pour produire des médicaments efficaces à prix modiques.

L'un des experts chargés de conseiller UNITAID, Richard Gold est en partie responsable de cette décision. Il verra maintenant à assurer la validité juridique des nouveaux brevets.

Né à Montréal au début des années 60, Richard Gold évoque son enfance pour expliquer son intérêt pour la question de l'accessibilité des médicaments anti-VIH dans les pays défavorisés. «Tôt dans ma vie, on m'a incité à avoir un esprit d'obligation envers la communauté, dit-il. Lorsque j'avais 6ans, mes parents m'emmenaient à des manifestations contre la guerre du Vietnam dans les rues de Montréal. Plus tard, lorsque j'ai obtenu mon diplôme en sciences (informatiques et mathématiques) à McGill, le recteur David Lloyd Johnston nous a parlé de l'obligation de rendre à la société ce qu'elle nous a donné. Ce discours m'a marqué.»

Après les sciences, il a bifurqué vers le droit: baccalauréat à l'Université de Toronto, pratique dans un cabinet privé, stage à la Cour suprême du Canada, maîtrise et doctorat en droit à l'Université du Michigan.

Cette combinaison sciences-droit n'est pas étrangère à la voie qu'il a choisie. Amener différentes parties à s'entendre sur une communauté de brevets ne se fait pas sans heurts. Il faut réunir à la même table des gens de l'industrie, des gouvernements, des organismes non gouvernementaux (ONG), des chercheurs.

«Lorsque je parle aux ONG, les militants en faveur de l'accès aux médicaments me disent que je suis trop conservateur parce que j'essaie de comprendre la perspective et les besoins de l'industrie. Quant je rencontre les gens de l'industrie, ils me trouvent trop à gauche (rires). Je suis à l'aise là-dedans. Je me sens indépendant de tous et je suis en mesure de poser des questions et d'aller à la recherche de solutions.»

Faut-il être diplomate? «Parfois, répond-il. J'ai la liberté de dire ce que je veux. Mais parfois, il est préférable de pousser les gens à dire ce qu'ils pensent, de susciter les discussions. Il faut apprendre à écouter le point de vue des autres pour voir d'où ils viennent. La plupart des gens croient en ce qu'ils font, mais il faut les amener à ouvrir leur esprit, les engager dans des débats. Tantôt, il faut être diplomate, tantôt provocateur.»

Si Richard Gold réussit à rapprocher les gens, c'est peut-être parce qu'il est un homme intense et doté d'une grande capacité d'attention vis-à-vis du travail des autres. Tania Bubela, amie du Dr Gold, professeure à l'Université de l'Alberta et membre du Centre des politiques en propriété intellectuelle dont il est le directeur-fondateur, en témoigne: «Il s'est toujours intéressé et dévoué aux travaux et aux recherches des autres universitaires, même les plus jeunes que lui.»

Les deux ont voyagé dans le monde entier pour assister à des congrès. «Son esprit fonctionne toujours. Il n'arrête jamais de penser, ajoute Mme Bubela. Mais c'est un bon compagnon de voyage, très allumé, très drôle. Nous avons la même habitude de marcher très vite, ce qui fait que, dans nos temps libres, nous faisons des visites touristiques au même rythme.»

Richard Gold a-t-il une inspiration parmi les grands de ce monde? Il hésite. Pas vraiment, finit-il par dire. Il nomme Gandhi presque par obligation. Sa pensée le ramène toujours vers «monsieur et madame Tout-le-Monde».

«La plupart des gens sont de bonnes personnes qui veulent avoir une vie simple. Je suis inspiré par cette croyance que les gens sont bons. J'ai un manque de confiance envers ceux qui se disent responsables face à telle ou telle chose. Personne n'est responsable pour une idée. C'est un processus qui prend des années. C'est la vie qui m'inspire.»