L'automne dernier, un criminel italien a laissé croire qu'il avait monté une affaire de blanchiment d'argent impliquant l'homme d'affaires montréalais Lino Saputo. Notre journaliste s'est rendu en Italie pour découvrir que la police vient de conclure que l'histoire avait été fabriquée de toutes pièces.

Mariano Turrisi, l'homme qui disait avoir monté une affaire de blanchiment d'argent de 600 millions de dollars impliquant Lino Saputo, a utilisé le nom de ce dernier à son insu. Il pourrait même s'agir d'une banale fraude de quelques dizaines de milliers de dollars, commise afin de financer un magazine que Turrisi souhaitait lancer en Italie.

C'est là la conclusion des enquêteurs italiens qui viennent de fermer définitivement le dossier en ce qui concerne M. Saputo.

«Les vérifications sur Lino Saputo sont maintenant terminées, a déclaré à La Presse le procureur Italo Ormanni, responsable du dossier Orso Bruno au bureau du procureur de la République italienne à Rome. Nous n'avons rien trouvé qui confirme les affirmations de Mariano Turrisi. Lino Saputo n'a jamais rien eu à voir avec Mariano Turrisi.»

Orso Bruno, c'est le nom donné à une enquête mixte de la Direction d'enquêtes antimafia de Rome, et de la Garde de finance de Milan. Mariano Turrisi est au centre de cette affaire: il est soupçonné d'avoir orchestré une complexe opération de blanchiment d'argent, à hauteur de 600 millions de dollars, pour le compte du chef de la mafia montréalaise Vito Rizzuto.

En 2005 et 2006, les policiers italiens avaient capté des conversations téléphoniques au cours desquelles Turrisi mentionnait les noms de Vito Rizzuto et de Lino Saputo. Selon les déclarations d'alors de Turrisi, Lino Saputo ou son entreprise aurait payé 600 millions pour racheter une société mise sur pied par Turrisi, Made in Italy. Vito Rizzuto aurait financé le tout. Ces 600 millions proviendraient des profits du crime organisé.

Seulement, la seule preuve de cette opération de blanchiment d'argent reposait sur les déclarations de Turrisi alors qu'il était sur écoute par l'équipe d'Orso Bruno.

Or, lors d'entrevues avec La Presse l'an dernier, Lino Saputo a affirmé ne connaître Turrisi ni d'Ève ni d'Adam, et n'avoir eu aucune relation avec Vito Rizzuto. «Turrisi, je ne l'ai jamais rencontré, je ne l'ai jamais vu, je n'ai jamais eu affaire à lui. Je ne le connais pas! Comment mon nom est mêlé à une affaire comme ça? Est-ce que quelqu'un a voulu se servir de mon nom pour monter en valeur? Je ne sais pas ce qui s'est passé.»

Puis, l'hiver dernier, lors d'un interrogatoire judiciaire mené par Me Ormanni, Turrisi a admis avoir tout inventé. Turrisi a affirmé avoir imaginé cette histoire de blanchiment d'argent pour convaincre des partenaires italiens de lui prêter de l'argent - des dizaines de milliers d'euros. Avec cet argent, Turrisi souhaitait lancer un magazine appelé Made In Italy. La Presse a obtenu un exemplaire du numéro zéro du magazine qui visait à faire la promotion des produits de luxe italiens.

Une fois son magazine florissant, Mariano Turrisi comptait annoncer l'avortement des négociations et rembourser ses financiers italiens avec les revenus de sa nouvelle publication, a-t-il encore expliqué à Me Ormanni.

«Ça peut sembler absurde de faire de si gros mensonges, mais Mariano Turrisi est comme ça», a expliqué à La Presse l'avocate de Turrisi, Monica Carpinella. Elle a précisé que son client a utilisé le nom de M. Saputo pour «se donner de la crédibilité, faire rêver ses associés».

Quoi qu'il en soit, la police italienne a poursuivi ses recherches dans le dossier, pour conclure la semaine dernière que M. Saputo n'avait jamais eu de lien quelconque avec Turrisi. C'est pourquoi le procureur vient de décider de fermer définitivement le dossier, du moins en ce qui concerne M. Saputo.

Précision sur Lino Saputo

Dans son numéro du 17 juillet 2008, La Presse soulignait que M. Lino Saputo avait été victime d'une histoire de blanchiment d'argent inventée par Mariano Turrisi alors que celuici a reconnu avoir utilisé le nom de M.Saputo à son insu.

Cet article reprenait la conclusion des enquêteurs italiens qui avaient alors fermé définitivement leur dossier sur les dires de M. Turrisi et dont La Presse faisait état dans son édition du 12 décembre 2007.

Dans ces reportages, nous avions pris soin d'indiquer que M. Saputo n'était pas sous enquête. Néanmoins, La Presse reconnaît que certains lecteurs ont pu avoir l'impression du contraire. Nous regrettons les inconvénients causés par cette interprétation.

C'est pourquoi nous tenons à préciser que le nom de M. Saputo n'a jamais figuré au "registre des personnes faisant l'objet d'une enquête" relativement au procès impliquant M. Turrisi. La Presse réitère donc que M. Saputo n'a pas fait l'objet d'une enquête formelle de la police italienne.