Finies les coquerelles, les privations d'eau chaude et les interruptions d'électricité. Après des années de bras de fer avec leur propriétaire, les locataires de huit immeubles insalubres du quartier Villeray ont appris hier que leurs logements seraient entièrement refaits à neuf d'ici un an.

«C'est une surprise, c'est vraiment une victoire», s'est enthousiasmé Jacques Scurti, installé depuis 15 ans dans l'un des 192 appartements qui seront rénovés de fond en comble à partir de septembre. «Quand je suis arrivé, ça allait bien. Mais depuis que Robert Sebag a acheté l'immeuble, il y a neuf ans, ça s'est dégradé : plus rien n'était entretenu», a raconté M. Scurti.

Tous les locataires rencontrés ont décrit le même calvaire : des semaines passées en plein hiver sans eau chaude, l'électricité qui est coupée et ne revient pas, la vermine qui infecte meubles et denrées. Et surtout, ce mutisme du propriétaire Robert Sebag, qu'on surnomme même «le roi du taudis» dans les comités de logement montréalais.

Si bien qu'aujourd'hui, seuls 36 des 192 logements du complexe sont encore occupés. Souvent très pauvres ou en situation illégale au Canada, les locataires ne pouvaient faire autrement que de rester dans ce milieu insalubre.

«Depuis 1999, on travaille sur le dossier de ces immeubles laissés à l'abandon, on est donc très contents que ça change», a dit Bénédicte Guillard, coordonnatrice de l'Association des locataires de Villeray.

Sous la pression des 157 constats d'infraction dressés depuis deux ans par les inspecteurs du logement, le propriétaire a dû vendre les huit immeubles. «M. Sebag a bien vu qu'on était sérieux et qu'il aurait davantage de problèmes s'il persistait», a dit Anie Samson, mairesse de l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.

Un entrepreneur privé, la société Aldo Construction, a récemment racheté le complexe de huit immeubles en s'associant à un organisme communautaire qui assurera la gestion des baux. Les 10 millions de dollars que coûteront les travaux de rénovation seront fournis par des programmes provinciaux et municipaux de subventions.

Cosmo Maciocia, responsable de l'habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal, a précisé que les fonds publics mobilisés étaient offerts «à tout le monde», qu'ils soient particuliers ou entrepreneurs, afin de rénover des logements.

Soixante-trois appartements rénovés seront des logements sociaux gérés par une coopérative regroupant les futurs locataires. Les autres appartements seront privés, mais leurs loyers resteront abordables, ont assuré élus et promoteurs.

«Les subventions qu'on nous a accordées sont assorties de conditions nous limitant à un prix de location abordable pour tout le monde», a dit Aldo Covielo, représentant du nouveau propriétaire. M. Covielo a indiqué que les loyers varieront entre 400$ pour un 2 1/2 et 620$ pour un 4 1/2.

Bénédicte Guillard a toutefois estimé qu'il reste encore beaucoup à faire dans cet arrondissement, le deuxième en matière de pauvreté à Montréal. «Il manque 1000 logements sur cinq ans pour répondre à une première vague de besoins», a-t-elle précisé.

Durement critiqué par les autorités et les locataires, l'ancien propriétaire Robert Sebag encourt 70 000$ d'amendes. Il a été impossible de le joindre hier.