Barack Obama remporterait l'élection présidentielle par un raz-de-marée sans précédent... s'il était candidat en Allemagne.

Barack Obama remporterait l'élection présidentielle par un raz-de-marée sans précédent... s'il était candidat en Allemagne.

À l'approche de la visite prochaine du candidat charismatique dans leur pays, un sondage récent indiquait que 72 % des Allemands voteraient en faveur d'Obama s'ils pouvaient seulement le faire.

En fait, il est plausible de croire que le sénateur démocrate balaierait sommairement l'Europe en entier s'il n'en tenait qu'aux Européens dont il est devenu la véritable coqueluche américaine. On parle de lui comme du "John Kennedy de race noire".

Lors d'un voyage récent en terre européenne, Bill Schneider, analyste politique réputé au réseau CNN, a lui-même vécu une expérience inusitée qui en dit long sur le cas, à l'aéroport d'Amsterdam, en Hollande. Schneider était surpris lorsqu'un agent des douanes hollandais l'a sommé de quitter la voie de passage avec ses bagages pour pouvoir lui poser quelques questions. C'est le genre de geste qui est rarement de bon augure pour un voyageur international.

Le commentateur américain était toujours intrigué pour ne pas dire inquiet lorsque l'agent de souche africaine s'est penché à son oreille pour dire : "Est-ce que Barack Obama a vraiment des chances de remporter l'élection ?"

En fait, Schneider a ressenti cet engouement et cette fascination pour Obama dans tous les pays d'Europe qu'il a visités. Concurremment, lorsqu'il a demandé à une Britannique ce qu'elle pensait de John McCain, elle a répondu : "Il est vieux, comme nos politiciens."

L'analyste a déterminé que trois facteurs principaux expliquent ce phénomène. Les Européens aiment le fait qu'Obama est jeune, qu'il est un Américain de race noire et qu'il a un nom d'origine musulmane. C'est une mixture qui est synonyme de révolution pour eux. Et après huit années de George Bush, c'est précisément ce que l'Europe, pour ne pas dire le monde, souhaite de la part des Américains avec lesquels la planète entretient une relation qui oscille perpétuellement entre l'admiration et le mépris.

Il n'y a qu'un problème dans ce tableau presque parfait : Barack Obama doit se faire élire aux États-Unis. Si l'Europe et le reste du monde avaient eu droit de vote, Al Gore et John Kerry auraient été présidents, George Bush et Ronald Reagan ne l'auraient jamais été. Pourtant, les deux républicains ont non seulement été élus, mais réélus encore plus fort pour leur deuxième mandat.

Par contre, l'histoire d'amour des citoyens du monde avec Obama est d'une intensité qui dépasse de loin la préférence habituelle qu'ont les Non-Américains pour les candidats du parti démocrate. Comme si l'on attendait anxieusement d'être témoin d'un événement qu'on souhaitait voir de notre vivant, mais qu'on n'espérait plus. Comme lorsque le premier homme a marché sur la lune.

Le piège de l'adulation

Cependant, autant l'adulation mondiale pour Obama peut possiblement influencer les intentions de vote de certains Américains, autant elle a le potentiel d'être un piège sournois pour le candidat qui ose s'y baigner.

D'abord à cause des preuves à l'appui qui nous disent que les électeurs de l'Oncle Sam semblent prendre un malin plaisir à faire le contraire de ce qui semble pourtant simple et évident pour les gens d'ailleurs. Et que, pour l'instant, Obama et McCain sont pratiquement égaux dans les sondages. McCain aurait même repris du poil de la bête récemment avec les électeurs indépendants (ni démocrates, ni républicains) qui détiennent la clé de la décision de novembre.

Mais c'est surtout l'illusion que ce genre de délire peut créer dans la tête de l'idole qui en est l'objet. Une alerte rouge devrait s'allumer dans le cerveau de tout stratège politique lorsque le candidat commence à croire les bonnes choses qu'on écrit à son sujet. Sauf que lorsque ce sont les stratèges eux-mêmes qui se mettent à se bercer d'illusions, les choses peuvent virer très mal, très vite.

C'est ce qui semble s'être produit la semaine dernière dans le camp Obama dans l'atmosphère trépidante des préparatifs pour la tournée internationale de leur candidat en Europe et au Moyen-Orient prévue pour la semaine prochaine. C'est à Berlin que ces "docteurs du spin " ont laissé leur imagination voguer à la dérive lorsqu'ils ont posé les yeux sur l'illustre Porte de Brandenbourg, auguste symbole de l'Allemagne libre réunifiée, à quelques pieds d'où s'élevait autrefois l'infâme Rideau de Fer.

La Porte de Brandenbourg, l'un des seuls monuments berlinois à avoir survécu aux bombardements sauvages de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, est aussi un symbole qui a marqué l'imagination collective des Américains au cours des quatre dernières décennies.

John F. Kennedy s'y est rendu en 1963 pour donner son appui aux citoyens de la ville vivant à l'ombre des tanks et des missiles de l'Armée Rouge. C'est lors de son discours mémorable devant quelque 700, 000 personnes que le jeune président américain prononcera la phrase restée célèbre : "Ich bin ein Berliner. " (Je suis un Berlinois) Contrairement à la croyance populaire, Kennedy n'était pas devant la Porte de Brandenbourg à ce moment-là, mais à l'hôtel de ville de Berlin.

Ronald Reagan cependant y était bel et bien, grandiose derrière son podium présidentiel, lorsqu'il a sommé le leader soviétique Mikhail Gorbatchev de démolir le mur de Berlin dans ces mots : "Mr Gorbachev, tear down this wall ! "

Semble-t-il que la popularité d'Obama est telle qu'il attirerait assurément des dizaines de milliers de personnes à cet événement-monstre. On peut s'imaginer le matériel explosif qui bouillonne dans la tête des stratèges politiques quand ils s'imaginent les images superposées de Obama, Kennedy et Reagan que tous les médias diffuseraient.

Obama aurait l'air d'un président avant de l'être. Et c'est précisément là le problème... Il ne l'est pas. Et c'est la Chancelière allemande Angela Merkel elle-même qui s'est chargée de le lui rappeler. Il serait inapproprié, a dit Merkel, pour un candidat américain de venir faire campagne dans son pays, particulièrement en un lieu sacré comme la Porte de Brandenbourg.

Adversaires allemands

Mais, d'autres politiciens allemands ne sont pas d'accord avec la Chancelière, dont le maire de Berlin qui serait ravi de voir une foule en liesse acclamer Obama devant les majestueuses colonnes doriques de Brandebourg. Le maire est un adversaire politique de Merkel.

Avec le résultat qu'avant même d'avoir pu penser à ce qu'il emportera dans ses valises, Barack Obama nage dans la controverse dans ce pays d'Europe où il est tombé sans le vouloir au milieu d'une bataille politique locale. Sans parler de la controverse aux États-Unis où des commentateurs normalement neutres commencent à dire des choses comme : "Pour qui Barack Obama se prend-il ?"

Ich bin ein berliner, sans la majuscule sur le deuxième "b", peut avoir une autre signification en allemand : "Je suis un beigne."

C'est peut-être l'affiche que Barack Obama aimerait accrocher au cou du brillant stratège qui a pensé à ça.

mgratton@ledroit.com