Le gouvernement conservateur a en main un plan destiné à déléguer certaines de ses responsabilités en matière de sécurité alimentaire à l'industrie, un projet vivement dénoncé par l'opposition officielle.

Les libéraux ont en effet demandé hier dans un communiqué que le comité permanent de l'agriculture de la Chambre des communes soit convoqué pour «forcer le gouvernement conservateur à dévoiler son projet d'abandonner les inspections indispensable à la sécurité alimentaire».

Le député libéral chargé du dossier de l'agriculture, Wayne Easter, a ainsi sommé le ministre de l'Agriculture, Gerry Ritz, de dire la vérité aux consommateurs et de reconnaître qu'il a bel et bien l'intention de refiler en catimini à l'industrie le soin de vérifier la qualité des aliments.

Le plan, qualifié de «secret» par M. Easter, a été révélé il y a deux semaines dans les journaux à la suite du congédiement d'un fonctionnaire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), Luc Pomerleau. L'ACIA a reproché à ce dernier d'avoir divulgué à son syndicat un document présumément confidentiel qui était pourtant accessible sur un site internet à tous les employés de l'agence. Le document exposait le contenu du fameux plan mis au point par le ministre Ritz et approuvé par le Conseil du Trésor.

Selon le Syndicat de la fonction publique, le document détaille les nouvelles méthodes envisagées par le gouvernement conservateur pour inspecter les aliments, notamment une délégation d'autorité à l'industrie. Ottawa entend ainsi forcer l'ACIA à récupérer 5% de ses budgets d'exploitation, une mesure que le gouvernement souhaite étendre à tous ses ministères et à toutes ses agences.

Selon ce qu'on sait du projet gouvernemental, l'ACIA mettrait également un terme à l'aide financière qu'elle achemine aux éleveurs de bétail afin qu'ils vérifient si leurs animaux ne sont pas touchés par l'encéphalopathie spongiforme bovine, communément appelée maladie de la vache folle. Cette mesure ferait économiser à l'ACIA environ 24 millions de dollars au cours des trois prochaines années.

Le document gouvernemental explique également comment les inspecteurs de l'ACIA seront réduits à un simple rôle de supervision générale alors que l'industrie alimentaire devra se charger elle-même de faire les vérifications de sécurité alimentaire et de gérer tous les risques associés à cette tâche.

Modèle américain

La qualité de la nourriture destinée aux animaux sera également sous la responsabilité de l'industrie tout comme le programme de certification des semences qui sera confié à une tierce partie contrôlée par l'industrie.

Les libéraux et des experts en alimentation estiment que ce plan est la recette parfaite pour mener au désastre. Le plan épouse le modèle américain qui veut que les inspecteurs fédéraux ne jouent qu'un rôle de superviseurs alors que ce sont les compagnies d'alimentation qui vérifient elles-mêmes la qualité de ce qu'elles produisent.

«Les spécialistes qui connaissent le projet l'ont qualifié de dangereux, d'illogique. C'est jouer à la roulette russe avec les Canadiens», estiment les libéraux.

Approuvé depuis novembre

Ce nouveau système d'inspection des aliments a été approuvé en novembre dernier, mais son annonce aurait été remise à plus tard en raison de certains «risques en matière de communication», selon une note gouvernementale.

«Les Canadiens sont préoccupés à juste titre, affirme le député et ancien ministre Wayne Easter. Les expériences vécues en Ontario, à Walkerton, et avec Aylmer Meat Packers ont montré l'importance des inspections de sécurité. Avec des membres clés de la bande de Mike Harris au gouvernement fédéral actuel, les conservateurs minent une fois de plus le système qui garantit la salubrité des aliments et mettent en danger la santé des Canadiens.»