La première journée du sommet du G8 a donné la parole hier aux dirigeants de sept pays africains qui ont exhorté les dirigeants des pays les plus industrialisés à ne pas revenir sur leur promesse de doubler l'aide au développement destinée au continent noir. Stephen Harper a quant à lui profité de l'ouverture du sommet pour condamner le régime de Robert Mugabe, président du Zimbabwe.

L'Afrique, durement touchée par la hausse des denrées alimentaires, du prix du pétrole et par les changements climatiques risque de voir mourir inutilement 30 millions d'êtres humains d'ici 2010 si les membres du G8 ne comblent pas rapidement le retard pris dans la distribution d'une aide de 50 milliards de dollars promise en 2005 lors du sommet de Gleneagles, en Écosse.

«Ce sommet du G8 est certainement le plus important sommet du G8 de la décennie. Le monde fait face à de multiples crises», a d'ailleurs affirmé hier Max Lawson, d'Oxfam au cours d'une conférence de presse.

Malgré le cri d'alarme humanitaire lancé par les dirigeants de l'Algérie, de l'Afrique du Sud, de l'Éthiopie, du Nigeria, du Sénégal, du Ghana et de la Tanzanie, la question du Zimbabwe n'a cessé pendant la rencontre de préoccuper au plus haut point les chefs d'État et de gouvernement du G8.

Le franc-parler de Harper

Le premier ministre Harper a notamment été de ceux qui n'ont pas mâché leurs mots pour condamner le régime Mugabe qu'il a qualifié «d'illégitime». Des responsables gouvernementaux canadiens ont de plus affirmé que le groupe des huit nations les plus industrialisées s'est mis d'accord pour envoyer un message dur et sans concession au régime de Robert Mugabe: celui-ci ne peut rester aux commandes du Zimbabwe; il doit partir.

M. Harper est même allé plus loin, selon des responsables canadiens présents à la réunion de travail, en soutenant que la tolérance de l'Afrique pour le régime Mugabe menaçait la crédibilité du continent tout entier.

M. Harper a de plus souligné que l'aide humanitaire devait être accessible à tous au Zimbabwe, que l'État de droit et la démocratie devaient être rétablis sans oublier le respect des droits de l'homme.

Les dirigeants africains, selon une source du G8, ont rétorqué qu'ils avaient déjà fait connaître leur réprobation à Robert Mugabe. Pour les leaders du groupe, cette réponse est loin d'être satisfaisante et les pays africains doivent faire davantage pour régler un problème qui les concerne d'abord.

«Le premier ministre a aussi dit, selon un responsable gouvernemental, que cela ne pouvait attendre des années ou des mois et que ce problème se devait d'être réglé immédiatement.»

Le président sud-africain, Thabo Mbeki, a alors communiqué aux dirigeants du G8 comment il entendait s'y prendre pour régler la crise. Selon des sources au G8, Robert Mugabe resterait président du Zimbabwe mais abandonnerait le pouvoir réel au chef de l'opposition Morgan Tsvangirai. M. Mugabe conserverait son poste jusqu'à ce que de nouvelles élections aient lieu. Les dirigeants du G8 n'ont pas commenté ce scénario.

En ce qui à trait à la promesse de Gleneagles de doubler l'aide au continent noir d'ici 2010 pour porter celle-ci à 50 milliards de dollars, les dirigeants africains ont maintes fois exprimé leurs inquiétudes hier.

«Certains dirigeants africains ont voulu souligner que, tout en appréciant les promesses des dirigeants du G8 d'aider l'Afrique, réitérées lors de leurs précédents sommets, ils souhaitaient que ces engagements soient entièrement tenus», a déclaré hier le porte-parole du ministère nippon des Affaires étrangères, Kazuo Kodama.

Selon des responsables canadiens, les leaders du G8 ont tenté de rassurer leurs homologues africains en réaffirmant leur volonté de respecter leur engagement de Gleneagles, même si à l'heure actuelle seulement 20% de l'aide promise aurait été distribuée.

En échange, les membres du G8 ont demandé aux sept dirigeants africains de faire leur part. «L'aide au développement ne suffit pas, a expliqué un haut responsable canadien. Il faut activer le capital privé en Afrique et les investissements. L'Afrique doit rencontrer le G8 à mi-chemin et mettre l'accent sur la mise en oeuvre des projets que nous finançons.»

En ce qui concerne la crise alimentaire que ébranle le continent, le G8 a mis l'accent non pas sur l'aide immédiate mais sur la nécessité de revitaliser la production agricole, un point de vue partagé par les Africains.

Le Canada en queue de peloton

Par ailleurs, en marge du sommet, des organisations humanitaires - Oxfam et One - ont reproché au Canada de ne pas tenir ses promesses à l'égard de l'Afrique en matière d'aide au développement. Ils ont classé le Canada à cet égard en queue de peloton en compagnie de l'Italie, de la France et du Japon.

La ministre canadienne de la Coopération internationale, Bev Oda, n'a pas voulu répondre directement à ces accusations, se contenant d'affirmer que le Canada «avait déjà démontré que lorsqu'il prenait des engagements, il prenait de vrais engagements» et qu'il «livrait la marchandise». L'aide du Canada à l'Afrique atteindra 2,1 milliards en 2008-2009, soit presque le double de ce qu'elle était en 2004.