Des chars allégoriques, de la musique tonitruante, un soleil de plomb et des spectateurs par milliers: tous les éléments étaient réunis hier pour que la Carifête soit une réussite. Pourtant, bien des festivaliers n'avaient pas le coeur léger. Ils ont eu du mal à mettre de côté leurs revendications en faveur financement accru ou d'un renouvellement de l'organisation pour profiter pleinement de la journée.

Marjory Weeks faisait partie des nostalgiques. Elle n'a jamais raté un seul des défilés de la Carifête depuis ses débuts, il y a 34 ans. C'est en experte qu'elle a commenté celui d'hier, plutôt négativement d'ailleurs. «Ce n'est pas si mal, mais il faudrait qu'il y a ait encore plus de monde. Beaucoup plus de monde, de plus beaux costumes, davantage de musiciens et de danseurs, comme à Toronto. Oui, Comme à Toronto.»

Une comparaison

La comparaison avec la Ville reine est revenue sur plusieurs lèvres, hier, et rarement à l'avantage de la métropole québécoise. Christiane Desantis, 28 ans, a souri à l'évocation des festivités qui ont lieu dans la capitale ontarienne, où elle habite et auxquelles elle assiste régulièrement. «Ça n'a rien à voir, les deux fêtes n'ont pas du tout la même ampleur... À Toronto, il y a toujours au moins un million de personnes dans la rue, le défilé est beaucoup plus dynamique, coloré, intéressant. Ça vaut vraiment le coup de venir de Montréal pour y assister», a-t-elle indiqué avant d'ajouter du même souffle, comme pour s'excuser: «Montréal aussi, c'est très bien. Mais je ne suggérerais pas à une amie de venir ici juste pour cela.» La semaine dernière, l'organisateur de la Carifête, Henry Antoine, a tiré la sonnette d'alarme et s'est plaint de la maigreur des subventions accordées par la ville de Montréal. Plusieurs ont repris son discours hier.

«Je ne sais pas si c'est le financement ou l'organisation qui fait défaut, mais c'est vrai que les choses pourraient aller mieux», a nuancé Luisa Perez.

Une autre habituée du défilé, Savory Jalet, a regretté qu'autour d'elle les spectateurs aient presque tous la peau noire: «Ce serait un événement merveilleux pour favoriser les rencontres et les échanges interculturels, mais les Blancs ne viennent pas, ils ne sont pas bien informés de ce qui se passe ici.»

Un hasard

Il est vrai que plusieurs personnes interrogées ont avoué qu'elles se trouvaient à la Carifête par hasard. «La Carifête? J'en ai vaguement entendu parler il y a deux ans, mais je ne savais pas du tout que cela avait lieu en fin de semaine, a dit Martine Lapointe, blonde Montréalaise au teint clair. J'étais venue pour le Festival de jazz, puis j'ai entendu cette musique totalement différente qui a piqué ma curiosité.» Résultat: une pause de près d'une heure pour ne pas rater la fin du défilé.

Car même si, pour certains initiés des fêtes passées ou d'ailleurs, la Carifête a perdu de son lustre au fil des ans, elle a encore de quoi ravir le plus grand nombre.

Pendant cinq heures, des milliers de personnes ont défilé sur le boulevard René-Lévesque au son de musiques entraînantes.

Les danseuses avaient sorti plumes et paillettes et mis plus de fard qu'à l'habitude pour retenir le regard des passants et s'attirer les applaudissements les plus nourris possible.

«On m'a toujours vanté le multiculturalisme de Montréal et là, au détour d'une rue, je tombe sur un événement pareil? C'est le comble», s'est exclamée, ravie, Catherine McCullum, une touriste irlandaise.

Et alors que, dans le passé, le bilan de Carifête a été entaché par certains débordements, les policiers de Montréal n'ont pas eu à intervenir hier.