Après une longue disette, le secteur de l'exploration minière semblait sur le point de décoller. Mais les entreprises juniors traversent aujourd'hui des turbulences.

« Il y a des petits nuages gris foncé à l'horizon », prévient Michel Jébrak, professeur titulaire de la Chaire en entrepreneuriat minier UQAT-UQAM, une initiative de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et de l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Pourtant, le secteur semblait sur une lancée depuis deux ans. Les dépenses annuelles en travaux d'exploration et de mise en valeur de gîtes miniers avaient dégringolé de 834 millions de dollars à 259 millions au Québec entre 2011 et 2015, mais étaient ensuite remontées à 297 millions en 2016, puis avaient grimpé à 577 millions en 2017, selon les données provisoires de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Les intentions de dépenses pour l'année 2018, publiées au printemps dernier, se chiffraient à 657 millions.

« Ça va bien et mal en même temps », souligne Olivier Grondin, président-directeur général de la Société québécoise de l'exploration minière (SOQUEM). Il observe que certains projets déjà avancés, comme Windfall d'Osisko ou Eau Claire d'Eastmain Resources, « avancent très bien ». En revanche, même si « le prix des métaux est relativement bon, il n'y a pas d'argent dans les marchés pour les explorateurs juniors », observe-t-il.

« Il y a un peloton de tête d'un côté et des petites entreprises qui travaillent fort pour se financer de l'autre. Quand on regarde les financements réalisés à la Bourse, on voit la différence entre les deux groupes. » - Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ)

Pourquoi ? « Les investisseurs mettent leur argent dans des projets un peu moins risqués », explique Oliver Grondin. Quant aux investisseurs spéculatifs, ils se détourneraient de l'exploration minière au profit des secteurs du cannabis, des cryptomonnaies et de l'intelligence artificielle. « Les investisseurs en capital de risque ont maintenant accès à plus d'offres et cela vient drainer les capitaux disponibles », note Maxime Guilbault, associé leader mine et métaux au Québec chez PWC Canada.

UN RAYON DE SOLEIL

Les entreprises juniors peuvent néanmoins s'appuyer sur certains investisseurs locaux. Redevances aurifères Osisko, créée en 2014 après la vente de la mine Canadian Malartic à Agnico-Eagle Mines et Yamana Gold, « semble bénéfique » au secteur, signale Olivier Grondin. La société, dotée d'un modèle d'affaires basé sur les redevances et les flux de métaux, « prend des positions dans un certain nombre de sociétés et amène du financement de plus dans le système au Québec ».

La SOQUEM investit pour sa part entre 12 et 16 millions de dollars par année en participation directe. Michel Champagne, directeur général de la Société d'investissement dans la diversification de l'exploration (SIDEX), signale que des fonds comme le sien ou la Société de développement de la Baie-James (SDBJ) et le Fonds de solidarité FTQ n'hésitent pas à se consulter et à travailler ensemble pour financer des projets. « Ça ne se fait pas vraiment ailleurs dans le monde », assure-t-il.

QUELQUES AVANTAGES

La principale manière pour une entreprise junior de se financer demeure d'émettre des actions. Selon Maxime Guilbault, certaines entreprises d'exploration auraient avantage à mettre en valeur leur recours à des innovations technologiques, comme les données massives, les drones et l'intelligence artificielle. « Cela peut être un plus dans l'équation d'un investisseur lorsqu'il va faire son choix. »

Les entreprises ayant des projets liés au lithium, au graphite, aux terres rares et au cobalt doivent miser sur l'atout selon lequel, « au Québec, on est capables de fournir une substance demandée sur les marchés en respectant des normes environnementales strictes », souligne pour sa part Valérie Fillion.

« Ce sont des métaux dont on a besoin dans les industries du futur », souligne à leur sujet Michel Jébrak. Malgré les nuages, il demeure optimiste pour l'exploration minière au Québec lorsqu'il regarde vers un horizon plus lointain. « On a un vrai potentiel et un vrai savoir-faire », conclut-il.

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec (AEMQ)

Carottes de cuivre, pour dossier Portfolio Développement économique du Nord-du-Québec à être publié le 20 février 2014. Crédit: fourni par Mines Virginia.