Présentement en tournée à travers le Québec, l'auteur-compositeur-interprète Yann Perreau partagera ses expériences et ses découvertes sur Cyberpresse tout au long de l'été.

C'est drôle que Cyberpresse.ca m'ait demandé de vous faire part de ma tournée estivale 2009. Drôle parce que depuis la sortie de mon dernier album ce printemps, je pense chaque matin à la chance que j'ai de voyager avec mes chansons et souhaite que le monde entier le sache ! Je crois pas au hasard.

Il y a quinze ans presque jour pour jour, je commençais ce métier. Quinze ans que je me trimballe, que je me défonce, que j'écris et compose pour donner, pour cogner, pour jouir, pour danser, pour réfléchir et rêver, pour me battre, pour vivre, pour recevoir de l'amour en pleine face. Un voyage parsemé de joie et d'inconnu, de hauts et de bas, d'ombre et de lumière.

En 1994, Doc et les Chirurgiens avaient remporté Cégep Rock et nous partions fin juin, début juillet pour une tournée en Belgique où j'ai reçu la véritable claque du plaisir d'être sur un stage à rocker avec des chums. Le sujet de ma première chronique célèbre aussi ses quinze ans, je parle du festival Woodstock en Beauce. Pas de hasard.

J'y étais allé chanter une première fois en juillet 2006. Nous devions clôturer la soirée après le concert de Robert Charlebois. Ingrate tâche. Pendant ces deux heures précédant notre spectacle, la foule avait jubilé sur les vieux hits du sexagénaire en feu.

Le temps avait mouillassé toute la journée et il pleuvait grave à minuit; pleuvait de la pluie, de l'alcool et des substances. Malgré la boue au sol et les épais nuages au ciel, le champ entier était perché dans les étoiles.

McMahon, mon claviériste, s'était pété la clavicule  la veille, question d'en ajouter à la zone de confort... «Jedi» Lizotte avait candidement accepté de venir en renfort, mais... essayer d'apprendre quinze chansons dans une vanne de bums qui se détendent en se racontant des histoires (non racontables dans cette chronique), sur la route entre Montréal et St-Éphrem-de-Beauce, c'est pas ce qu'il y a de plus évident.

Bref. Après deux chansons, je recevais ma première canette de bière. Vide. Ça fait moins mal que pleine, mais c'est humiliant pareil. Les festivaliers et moi n'étions pas tellement sur la même longueur d'onde. Pour une rare fois, j'ai témérairement engueulé la foule (Morrison, sors de ce corps !). Avant même la fin de notre jam, une «12» de Molson Dry vides gisaient sur la scène. Plusieurs personnes avaient rejoint leurs tentes, les étoiles avaient fondu, le clown était triste, la vie était une salope...

Le 2 juillet dernier fut une tout autre histoire. Y fallait exorciser ce cauchemar d'humiliation et raccorder les flûtes entre les fantômes du Carnaval des Trippeurs Campeurs et moi. Ça s'est passé. Quinze ans d'expérience m'auront appris à apprendre de mes erreurs. Au lieu de dépenser mon énergie à freaker parce qu'il pleuvait des cordes --- Encore et toujours, remarquez : le photographe officiel s'appelle Dambou ! --- Plutôt que de me mettre de la pression parce que nous terminions la soirée, cette fois après les énormes Beast, de douter du musicien qui remplaçait Pell, mon bassiste, sans avoir répété une seule fois, à la place de ça, j'ai laissé glisser.

J'ai mis du soleil dans mes trous d'yeux, du culot dans mon ventre, un grand smile d'enfant terrible sur mon visage, le goulot d'une bouteille de rouge dans ma bouche, j'ai respiré profondément et suis aller bouffer le stage en me faisant le plaisir de rocker la nuit avec mes chums.

Bonne fête Woodstock en Beauce, c'est maintenant beau comme on s'aime, toi et moi !

Chers lecteurs, chères lectrices, ma prochaine direction, les extraordinaires Îles-de-la-Madeleine. Puppy ciao

Photo: Dambou/fournie par Yann Perreau

À Woodstock, c'est souvent la flotte. Remarquez: le photographe officiel du festival s'appelle Dambou!