Ils ont du flair pour les bonnes affaires et les billets d'avion pas chers. Des Québécois en ont fait leur gagne-pain en alimentant des sites, des blogues, voire des applications. Portraits et conseils.

Les vols d'Alexi: l'abonnement

Il y a deux ans, Alexi Roy a décidé de partir en voyage. N'importe où, n'importe quand; son horaire était grand ouvert. «J'ai commencé à chercher intensément sur internet, mais aucun site ne me donnait assez d'infos pour faire mon choix. Certains affichaient des aubaines qui dataient de huit ou neuf jours...»

Détenteur d'une formation en programmation, il décide de créer un programme - «ses petits robots», dit-il - pour chercher à sa place sur les sites web. Il déniche ainsi l'aubaine qu'il cherche: 550 $ aller-retour pour un vol vers l'Indonésie au départ de Montréal. Il met aussi la main sur un vol vers Paris à 195 $ avec Air Transat.

Le 1er février dernier, devant le succès de ses petits robots auprès de son cercle rapproché, il décide de lancer le site Les Vols d'Alexi, sur lequel il affiche les aubaines qu'il trouve pour des vols au départ de Montréal, Québec, Plattsburgh et Burlington. Le succès est instantané: après six mois, il a dépassé le cap des 150 000 abonnés. Dans le lot, de jeunes bourlingueurs, mais aussi beaucoup de retraités.

Le dernier venu dans le monde des aubaines aériennes à la sauce québécoise a décidé d'adopter un modèle d'affaires différent. Il offre un certain nombre d'aubaines gratuitement à ses abonnés (une ou deux par semaine), mais pour pouvoir consulter en entier le fruit de ses recherches, il faut payer: 60 $ par année, soit l'équivalent de 5 $ par mois. Ces abonnés «premium» reçoivent quatre notifications par semaine et sont aussi informés 30 minutes avant les abonnés non payants des aubaines offertes à tous.

«Je ne fais aucune recherche manuelle, dit l'homme de 28 ans.»

«Trois fois par jour, mes robots consultent 1700 sources de données - des moteurs de recherche, des compagnies aériennes - à la recherche d'aubaines.»

Il fait ensuite une sélection pour départager le bon grain de l'ivraie.

Car toutes les aubaines n'en sont pas à ses yeux. «J'ai colligé 20 ans de données sur le prix moyen des vols sur certaines destinations depuis Québec et Montréal. Si le prix du billet n'est pas 45 % sous la moyenne annuelle de la destination, je n'enverrai pas de notification à mes abonnés, sauf si le voyage a lieu dans une période très achalandée, comme la relâche.»

Il considère aussi la durée des vols, le nombre d'escales, le prix des bagages en soute ou la météo à destination pendant la période du voyage (est-ce la saison des ouragans?), avant de déterminer si l'aubaine vaut la peine d'être partagée. «Vingt heures de vol et deux escales pour aller dans les Caraïbes, c'est un faux positif pour moi. Le prix est peut-être bon, mais ce n'est pas un deal... Je choisis la qualité plutôt que la quantité.»

À savoir: chacune des aubaines envoyées est accompagnée d'un court édito avec des suggestions d'activités à faire à destination, lors des dates prévues. Il compte aussi lancer un blogue sous peu, «pour inspirer les gens, par exemple avec des lieux inusités à visiter».

lesvolsdalexi.com

YulAir: le choix du président

L'un des pionniers des sites d'aubaines au Québec, YulAir, a changé de main en janvier dernier. C'est Michel Rochefort, l'homme derrière le blogue YulFly.com, qui a pris le relais. Et déjà, il a apporté des modifications au site lancé en 2014.

Certes, il continue de chercher les aubaines manuellement - en utilisant des trucs qu'il refuse de dévoiler - comme le faisait l'ancien propriétaire. Mais il a recommencé à afficher des aubaines au départ de Toronto, Vancouver et New York. «Par contre, je continue de donner la priorité aux marchés de Montréal et de Québec, où nous avons 115 000 abonnés à notre infolettre, plus de 120 000 abonnés Facebook et 9000 sur Twitter.»

L'homme de 40 ans dit aussi faire une plus grande discrimination entre les aubaines qu'il trouve. «Je n'affiche pas un vol que je ne ferais pas moi-même», explique ce voyageur assidu qui a visité plus de 50 pays depuis 7 ans et qui projette un voyage aux Philippines pour bientôt.

«Si les escales n'ont pas de bon sens, c'est non!»

Auparavant, dit-il, il voyait sur YulAir des aubaines qui n'en étaient pas. «Par exemple, un billet à 500 $ pour Copenhague sur Wow Air, c'est un prix normal, pas un deal.» Alors, quelles sont les aubaines qu'il a dénichées? Montréal-Shanghai (Chine) pour 498 $, Burlington-Auckland (Nouvelle-Zélande) pour 407 $, Montréal-Cancún (Mexique) pour 246 $. Tous des vols aller-retour, taxes incluses.

La grande nouveauté de YulAir version 2018 reste toutefois l'annonce d'aubaines sur des vols multi-escales, «ce qui est rare sur les autres sites». Ainsi, il a déjà affiché un billet à 598 $ pour un vol Montréal-Hawaii-Los Angeles, avec quelques jours à chacune des destinations. «Ça permet de faire deux voyages en un.» Et il n'hésite pas à afficher certaines aubaines sur des vols en classe affaires, au départ d'autres villes que celles qu'il couvre normalement: «614 $US pour un vol Los Angeles-Bangkok en première classe, ça vaut la peine!»

montreal.yulair.com

PHOTO FOURNIE PAR MICHEL ROCHEFORT

Michel Rochefort, l'homme derrière YulAir, ici dans la baie d'Along, au Vietnam.

Flytrippers: le prix avant tout

Ils sont deux, deux amoureux du voyage qui ont lâché leur carrière respective pour lancer en janvier 2017 Flytrippers, un site gratuit qui comptabilise 200 000 visiteurs uniques chaque mois et plus de 100 000 abonnés sur les réseaux sociaux.

Tous deux originaires de Trois-Rivières, Andrew D'Amours et Kevin Gagnon se distinguent des autres créateurs de sites d'aubaines aériennes par la quantité d'offres qu'ils trouvent et affichent chaque jour.

«On peut publier 30 aubaines par jour, juste au départ de Montréal, explique Andrew D'Amours. On va afficher des vols même si les dates pour l'offre sont limitées, si le trajet est long ou s'il comprend plusieurs escales.» 

«Notre seul critère, c'est le prix, et on laisse aux gens le soin de décider si l'aubaine leur convient ou non.»

Ils sont connus dans le petit monde des voyageurs pour leur utilisation fréquente des compagnies aériennes à faible coût (les fameux low-cost) tant en Amérique qu'en Europe, mais les aubaines qu'ils affichent ne s'y limitent pas. «En fait, 90 % des aubaines qu'on met en ligne sont sur des compagnies ordinaires.»

Un blogue accompagne leur page d'aubaines, où ils multiplient les conseils sur l'art d'économiser en voyage ou le «travel hacking», soit des façons de profiter des programmes de récompenses des cartes de crédit pour obtenir des vols gratuits.

«Ce qu'on veut, c'est briser le mythe que voyager coûte cher. Ça coûte cher si on veut que tout soit pratique. Par exemple, il y a très peu d'aubaines sur des vols sans escale... Même chose pour certaines destinations, comme l'Afrique ou le sud de l'Amérique du Sud, soit l'Argentine et le Chili. Les billets pour des régions isolées ou peu desservies, comme la Polynésie française, sont aussi rarement en solde. C'est la concurrence qui amène les aubaines...»

flytrippers.com

PHOTO FOURNIE PAR FLYTRIPPERS

Andrew D'amours et Kevin Gagnon, les cofondateurs du site Flytrippers.

Hopper: la science des prix

Peu de gens le savent, mais l'une des applications de voyage les plus téléchargées sur iOS est née à Montréal, il y a un plus d'une dizaine d'années. Le siège social de Hopper est toujours ici, même si l'entreprise possède aussi des bureaux partout dans le monde, notamment à Boston, à New York, en Europe et en Asie.

«Au début des années 2000, ce qui nous frappait, c'était l'absence d'évolution technologique sur la manière dont les recherches de vols se faisaient. Plusieurs sites utilisaient encore des technologies des années 90», explique Frédéric Lalonde, qui a fondé Hopper avec Joost Ouwerkerk.

Ensemble, les deux hommes prennent le pari de recueillir suffisamment de métadonnées pour pouvoir prédire le meilleur moment où acheter un billet d'avion. Ils mettront six ans à bâtir la base de données, mais le pari est relevé. Le succès de Hopper est astronomique: entre 1,5 et 2 millions de dollars de billets vendus chaque jour.

«Nous sommes les seuls capables de prédire le prix futur d'un billet d'avion un an à l'avance, à 5 $ près, avec un taux de réussite de 95 %.»

Les utilisateurs n'ont qu'à indiquer les dates et la destination de leur voyage; l'application les préviendra par notification que le moment est venu d'acheter le billet pour payer le moins cher possible. Comme Hopper est aussi une agence de voyages, les réservations se font par l'application. L'outil s'avère aussi très utile pour déterminer à quelle date décoller pour économiser.

Hopper détruit du coup les vieilles croyances voulant qu'il existe des journées meilleures que d'autres pour acheter un billet d'avion. «C'est du toc. Chaque route a ses tendances pour déterminer l'heure et le jour où le billet sera le moins cher. Beaucoup d'offres sortent le mercredi, mais ce n'est pas une règle immuable à suivre pour acheter. Ça ne s'applique pas, par exemple, sur un Montréal-Paris.»

Hopper a ajouté en mars dernier un outil pour prédire le prix de 3000 hébergements dans 25 villes. D'autres suivront sous peu. L'application permettra aussi bientôt d'assembler deux billets - un aller et un retour - sur deux compagnies aériennes différentes. «On peut payer 40 % moins cher de cette façon», explique le président-directeur général de Hopper.

Autre nouveauté attendue cette année: l'application sera offerte en français...

www.hopper.com

PHOTO FOURNIE PAR HOPPER

Frédéric Lalonde, fondateur de l'application Hopper.