Pour souligner un événement important, pour se retrouver ou par pur plaisir, il n'est pas rare que des enfants devenus grands partent à l'aventure avec un parent. Un projet emballant qui mérite d'être bien préparé... histoire d'éviter les mauvaises surprises.

Le 2 novembre, Katia Laszczewski et son père se sont envolés pour un périple qui les mènera en Inde et au Népal. Ce voyage a une signification bien particulière. Il y aura bientôt un an, la jeune femme âgée de 35 ans a perdu sa mère, et son père, sa femme. «Ensemble, on va boucler la boucle de cette première année», mentionne Katia, interrogée peu avant le départ. Réalisant à travers le deuil qu'ils n'avaient qu'une vie à vivre, ils ont décidé de faire ce voyage ensemble et d'en profiter.

Le tandem n'a toutefois pas choisi des destinations de tout repos.

«Partir avec papa et maman en France, c'est correct, souligne en riant Robert Bérubé, propriétaire de l'agence Les routes du monde. Il y a toujours une terrasse qui réussira à faire plaisir à tout le monde.»

Aller en Inde et au Népal, c'est une autre paire de manches. Les tensions peuvent s'installer plus rapidement.

«Organiser» ses parents

Katia Laszczewski, qui a déjà passé six mois en solo en Asie, admet que son père n'a jamais entrepris de voyage aussi dépaysant.

«Je lui ai dit: tu es sûr, papa? On va partir avec notre sac à dos et on va laver nos sous-vêtements dans la chambre d'hôtel.»

«Il m'a répondu qu'il faisait déjà la même chose au camp de chasse!», raconte-t-elle en riant. Convaincue que ce périple sera rempli d'émotions, la jeune femme ne craint toutefois pas les malentendus ou les frictions. Elle le sent confiant et sait qu'il s'en remettra à elle. «Il est en mode "je te suis, Katia". C'est moi qui mène.»

Si Robert Bérubé assure qu'il n'a jamais vu, parmi ses clients, des parents se faire «infantiliser» par leur progéniture quand vient le temps de planifier un voyage, force est de constater que les pères et les mères font confiance à leurs enfants qui ont, dans plusieurs cas, davantage de séjours à l'étranger à leur actif.

Kelly LeBlanc, âgée de 33 ans, a vécu une situation semblable. En voyage au Pérou l'an dernier avec son père, sa soeur et le conjoint de celle-ci, elle s'est en quelque sorte retrouvée à la tête du groupe puisqu'elle était la seule à pouvoir se débrouiller en espagnol. Avant le départ, c'est également elle, avec l'aide de sa soeur, qui avait fait la recherche et la réservation des hôtels.

«C'est sûr que ce n'était pas mon père qui allait faire ça, mentionne la jeune femme. Il n'a aucun intérêt pour ça. Normalement, quand il voyage avec ma mère, c'est elle qui s'en occupe.»

Même chose pour les restaurants. Alors que Kelly, sa soeur et son copain les choisissaient avec soin afin de faire des découvertes culinaires intéressantes, son père s'y intéressait peu. «[Après avoir mangé dans] le seul resto que mon père a "choisi" du voyage - car il trouvait qu'on prenait trop de temps à se décider -, eh bien ma soeur et moi avons fait le lendemain une intoxication alimentaire», raconte-t-elle.

Des frictions

La plupart des voyages de ce genre se terminent sur une note positive. Malgré tout, des frictions peuvent parfois survenir.

Avant d'entreprendre son voyage en Inde en mai dernier avec sa fille Justine, Jacques Gobeil admet avoir eu certaines inquiétudes. «J'avais peur qu'elle se demande ce qu'elle faisait là et qu'elle soit trop dans le maquillage, mentionne-t-il. Elle est assez coquette.»

Une fois là-bas, il se rappelle qu'elle prenait un temps fou à sortir de la chambre le matin. Un irritant pour son père. Il y a aussi eu ce moment où, exténués, tout juste débarqués de l'avion en pleine nuit, ils ont découvert que leur lit était infesté de punaises. Justine a alors lancé à son père: «Il n'est pas question que je dorme ici!»

Après avoir changé de chambre trois fois, ils ont finalement trouvé une couche exempte de visiteurs indésirables. Au grand soulagement de Jacques Gobeil. Le pire était derrière eux.

Et lorsque M. Gobeil et sa fille se sont laissés à la fin de leur séjour de trois semaines en Inde, celle-ci lui a fait un câlin d'une intensité qui voulait tout dire. «Quand on revient d'un voyage, ça laisse des souvenirs indélébiles», confie l'homme, qui repartirait sans hésitation avec Justine pour une nouvelle aventure.

Photo fournie par la famille Gobeil

À la suite de ce voyage père-fille, Jacques Gobeil se dit prêt à repartir n'importe quand avec Justine.

Le dernier voyage

Elle rêvait du désert, mais son médecin lui a déconseillé d'effectuer ce genre de périple en raison de son état. Christiane Girard, âgée de 67 ans, a donc jeté son dévolu sur les glaciers. Devant ce désir fou d'admirer des monstres de glace avant que son cancer du pancréas n'ait raison d'elle, sa fille Muriel Missey a réussi un coup de maître en organisant en moins d'une semaine une croisière en Alaska. Muriel est aussi montée à bord avec sa fille de 11 ans, histoire d'accompagner Mme Girard pour son dernier voyage...

Là s'arrête toutefois le récit larmoyant. «On a tripé!, lance sans détour Muriel Missey. On s'est payé la traite. Maman avait l'air d'une petite fille.»

Promenade en canot entre les glaciers, séances de massage, soupers bien arrosés. Le trio a fait de ce voyage, marqué par le froid et l'humidité, une véritable réussite.

«Ma fille avait comme consigne que tout ce que Mamie voulait faire, on le faisait, raconte Mme Missey, qui ajoute du même souffle avoir réussi à faire fi du cancer de sa mère pendant la croisière. Tout ça a été comme une parenthèse dans la maladie.»

Au retour de ces deux semaines de voyage, à la fin de l'été 2013, la réalité les a toutefois vite rattrapés. Les traitements de chimiothérapie sont devenus inefficaces. Le médecin a décidé d'y mettre fin. Pendant ces derniers mois précédant sa mort, Christiane Girard répètera sans cesse la même chose à sa fille: «Je ne te remercierai jamais assez. Tu as réalisé mon rêve.»

Photo fournie par la famille Missey

Le trio s'est littéralement «payé la traite» au cours de ce qui a été leur dernier périple ensemble.

Photo fournie par la famille Missey

La beauté du paysage hivernal et la splendeur des glaciers ont permis à Christine Girard et à sa famille d'oublier, le temps du voyage, la maladie.

Conseils pour un voyage réussi

«Ce que je remarque dans ces "couples" de voyageurs parent-enfant, c'est que ce sont des gens déjà très liés, en symbiose», souligne Véronique Pépin, directrice régionale pour Expéditions Monde. Malgré tout, personne n'est à l'abri des mauvaises surprises. Voici les conseils de la spécialiste pour éviter que les conflits n'assombrissent le voyage.

• Trouvez une destination qui convient aux deux parties. Sur ce point, mieux vaut ne pas faire de concessions. «Partir pour faire un trek au Népal alors que votre mère n'aime pas marcher, ce n'est pas une bonne idée», illustre Véronique Pépin.

• Si vous partez pour une longue randonnée, il est important d'aller marcher ensemble plusieurs fois avant le départ. «Il faut se rendre compte de la condition physique de l'autre», mentionne Mme Pépin. Voilà également une bonne façon de voir comment se comporte son compagnon de voyage pendant l'exercice. Parle-t-il beaucoup? Doit-on prendre des pauses souvent?

• Une fois sur place, sachez faire des compromis et faites preuve d'ouverture.

• Lisez et informez-vous sur la destination avant le départ, histoire d'arriver bien préparés. Il n'y a rien de pire que de voir l'un se transformer en encyclopédie vivante alors que l'autre peine à situer sur une carte le pays dans lequel vous vous trouvez.